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Pas si beaux les biocarburants
jeudi, 11 mai 2006
/ Romain Chabrol / Consultant pour des ONG écologistes et romancier. , / Annonciade (Illustratrice) |
Moins polluants que leurs cousins traditionnels, ces nouveaux carburants vont-ils sauver la planète et l’industrie automobile ? Peu probable. Voici pourquoi.
Quand le baril s’envole, le bio décolle. Bill Gates investit, l’Elysée s’équipe de pompes spéciales et les invités VIP du dernier salon de l’agriculture avaient pour nom Saab, Ford ou Peugeot. Sur le marché à terme de l’éthanol, ouvert à la Bourse de New York en mai 2004, Brésil, Thaïlande, Indonésie ou encore Malaisie affichent leurs ambitions d’exportations. Car l’Union européenne est déterminée : le taux de bio à la pompe doit grimper à 5,75 % en 2010 et pousser à 7 % en 2015. Un pas de géant pour la France qui se traîne aujourd’hui avec seulement 0,8 %, pour quelque 500000 hectares de culture. Mais le gouvernement français fait des efforts. Dix nouvelles usines de production vont sortir de terre, les industriels ayant quant à eux investi 1 milliard d’euros pour développer le secteur.
Pour atteindre les objectifs affichés, 2 millions d’hectares - 11 % de la surface labourable française - devraient être cultivés à des fins énergétiques. "Ces cultures présentent tous les défauts d’une agriculture intensive, affranchie du garde-fou de l’alimentaire, argumente Jean-Claude Bevillard, membre de l’association France nature environnement (FNE). Compte tenu de leur faible bilan énergétique, les rendements des cultures de colza doivent être très importants pour être rentables." La porte est grande ouverte à des monocultures gourmandes en pesticides et fertilisants chimiques avec leur lot de dégâts collatéraux : dégradation des paysages, régression de la biodiversité, pollution des nappes phréatiques et érosion des sols. Sans parler des OGM qui pointent leur nez. "Les études de l’Ademe ne tiennent pas compte de ces coûts induits !", regrette Jean-Claude Bevillard.
Autre préoccupation : les objectifs affichés incluent l’utilisation de toute la jachère disponible, c’est-à-dire 1,2 million d’hectares. Or, la jachère joue un rôle de régulation écologique essentiel. "Les biocarburants permettent surtout à l’agro-industrie et aux constructeurs automobiles de verdir le blason", affirme le militant de France nature environnement.
Diester Industrie, principal producteur de biodiesel français, importe déjà de l’huile. Or, les rapports d’ONG comme Rainforest Foundation, Friends of the Earth ou Greenpeace tirent le signal d’alarme sur les liens entre déforestation tropicale et explosion du commerce d’huile de palme et de soja. "Une fois de plus, nous tentons de régler nos problèmes environnementaux en les exportant dans les pays en voie de développement." Pour Etienne Poitrat, de l’Ademe, "ces importations ne sont pas exclues par l’Union européenne, mais elles ne sont pas le but recherché". L’impact du développement des biocarburants n’en sera pas moins désastreux si pour cultiver du soja, il faut arracher une forêt.
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