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La face cachée des marques d’électronique
jeudi, 13 avril 2006 / Walter Bouvais /

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Mais que se passe-t-il au coeur des entreprises d’électronique ? Terra Economica entrouvre la porte.

Les professionnels les appellent EMS (Electronic Manufacturing Services) ou "cotraitants". Elles font rarement la Une de la presse grand public. Pourtant, ces entreprises produisent un grand nombre des appareils high-tech qui peuplent notre quotidien. L’américain Solectron fabrique les téléphones mobiles de troisième génération du japonais Nec dans ses usines chinoises.

L’américano-singapourien Flextronics produit une partie des téléphones mobiles Alcatel, la console de jeux Xbox vendue sous marque Microsoft, ou encore des organiseurs électroniques Palm. Le canadien Celestica assemble les téléphones de marque Motorola. Flextronics, Celestica, Solectron et Sanmina SCI, pour ne citer que ces quatre-là, pèsent à eux seuls plus de 46 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Et comptent parmi leurs clients d’autres grandes marques : Apple, Kodak, Hewlett-Packard, IBM, Sun, Casio, Dell, Xerox, Siemens.

Au fil des années, les EMS ont racheté un grand nombre d’usines appartenant précédemment aux marques finales pour lesquelles ils travaillent, les OEM (Original equipment manufacturers). Ces derniers se défont ainsi d’usines en surcapacités, au profit d’assembleurs peu connus du public. Ceux-ci ont à leur tour la lourde tâche de faire tourner ces usines, acquises à "bon prix" en période de crise de l’électronique, tout en répondant au cahier des charges drastique de leurs clients. Quitte à fermer ces mêmes sites pour regrouper leur production sur quelques-uns d’entre eux. "Notre rôle premier consistant à offrir à nos clients des réductions de coûts, [nous] poursuivons le recentrage de nos activités vers les pays à bas coûts", explique ainsi Celestica dans ses documents officiels. Car les EMS disposent non seulement d’usines aux Etats-Unis et en Europe, mais aussi en Chine, Indonésie, Thaïlande, République tchèque, Hongrie, ou au Brésil.

Production virtuelle

Ces dernières années, le ralentissement de l’activité économique a coûté plusieurs gros contrats à l’américain Solectron. Celui-ci a à son tour licencié plus de 50000 personnes dans le monde. Et fermé, ou revendu, comme ce fut le cas en France, plusieurs de ses usines. Une partie de cette production a ensuite été transférée dans des pays à main d’œuvre peu coûteuse. En définitive, les marques - ou OEM - se débarrassent de leur trop-plein d’usines, réduisant ainsi leurs coûts et gagnent en flexibilité. A l’image de Nike, et pour reprendre l’expression controversée de Serge Tchuruk, elles tendent à devenir des marques "sans usines", à la production virtuelle. Les EMS de leur côté, offrent peu de prise à la contestation syndicale et se chargent de restructurer et/ou délocaliser lesdites usines. Le consommateur, enfin, n’imagine pas un seul instant les opérations menées en coulisses et au service de ses "marques préférées".

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