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Atmosphère plombée
jeudi, 30 mars 2006 / Capucine Cousin

L’aventure de Metaleurop s’est arrêtée au mois d’avril 2003, laissant derrière elle un sol pollué et 830 ouvriers sur le carreau. Une enquête en BD revient sur cet épisode.

Trois ans d’enquête. Jean-Luc Loyer et Xavier Bétaucourt, journalistes à la chaîne locale C9 Télévision, reviennent sur les onze semaines de luttes vécues chez Metaleurop à travers une bande dessinée. Une BD documentée, dans laquelle les deux auteurs se mettent en scène pour mieux mettre en valeur les témoignages recueillis. L’exercice d’investigation mêle pédagogie, histoires de métallos et révélations. Le décor : Noyelles-Godault, dans le Pas-de-Calais qui vit au rythme de cette usine de métal depuis un siècle.

Le déclencheur : le retrait subit de Glencore, groupe suisse, principal actionnaire de Metaleurop. Les effets immédiats  : 830 postes supprimés. Sans compter les 300 emplois de proximité générés par l’activité de l’entreprise. Une fin d’activité préméditée, visiblement, alors que « le manque d’entretien du site rendait quasi obligatoire sa fermeture », souligne dans la BD Farid Ramou, ex-représentant des salariés de Metaleurop.

La BD dévoile aussi toutes ces histoires personnelles marquées par l’usine. Ces centaines d’enfants empoisonnés par le plomb émis par l’entreprise, cet agriculteur qui doit revendre sa ferme "plombée", avec des récoltes anormalement basses, et patienter dix-huit ans avant d’être indemnisé, les difficultés à se reconvertir pour les anciens salariés de Metaleurop (300 sont aujourd’hui toujours sans emploi), ou bien encore la montée en flèche du Front national.

Raccourcis médiatiques

La BD démontre enfin le cercle vicieux de cette usine qui "faisait vivre les gens en même temps qu’elle les rongeait", et comment Metaleurop achetait la santé de ses ouvriers - leur taux de plombémie était contrôlé par des laboratoires rattachés à Metaleurop, pour éviter que la Sécurité sociale n’ait à rembourser des arrêts maladies, et n’envoie l’Inspection du travail. Quant aux campagnes de dépistage de saturnisme auprès des enfants, "si le laboratoire était indépendant, la communication des résultats était filtrée", assènent les auteurs. Qui épinglent au passage les raccourcis médiatiques de 2003, comme un reportage de TF1 accusant les ouvriers d’avoir déversé des acides dans le canal de la Deule, alors qu’il ne s’agissait que d’eau.

Noir métal, au cœur de Métaleurop - Jean-Luc Loyer et Xavier Bétaucourt, éditions Delcourt, 112 pages, 14 euros


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