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4500 salariés plébiscitent leur patron
jeudi, 30 mars 2006
/ Gilles Gauret
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Quatre entreprises, quatre patrons et un point commun : économie rime avec humanisme.
"NOTRE RESULTAT EST HUMAIN"
Chez Bretagne Ateliers, 2/3 des salariés sont handicapés. Pour le patron, Daniel Lafranche, l’objectif est de créer des emplois pérennes adaptés.
Nom de la société : Bretagne Ateliers
Date de création : en 1975
Dirigeant : Daniel Lafranche, 46 ans, directeur général
730 salariés
Secteur d’activité : automobile (pour PSA et des équipementiers)
6 établissements industriels (agréés Entreprise adaptée) répartis autour de Rennes et Saint-Brieuc
Chiffre d’affaires : 22 millions d’euros
Laurent Gallet est concentré à son poste de travail. Agent contrôleur, il étiquette les vitres de voitures qui partiront ensuite au montage. Impossible de manquer sa démarche chaloupée, ni son bras droit qu’il ne bouge que très peu. Laurent est handicapé. Embauché en 2005, "la confiance est remontée en flèche, c’est énorme.
On est pris en considération. Et je ne suis plus regardé bizarrement." Et pour cause, dans cette usine propre et silencieuse, ils sont presque tous comme lui. Certains en fauteuils roulant, d’autres avec un membre atrophié voire manquant ou un léger handicap mental. En bref, une force de travail qui ferait fuir plus d’un employeur. Pourtant, Bretagne Ateliers fonctionne depuis trente ans et ses ouvriers handicapés sont des salariés comme les autres. Elle possède le statut d’"entreprise adaptée". Conformément à la loi, 80 % de son personnel au moins est reconnu comme travailleur handicapé.
Tout cela dans un contexte de concurrence exacerbée. BA fabrique principalement des pièces pour l’automobile et si les clients lui font confiance, ce n’est pas par bonté d’âme mais bien pour la qualité et le prix des produits. Malgré des coûts de production plus élevés. Si dans une autre entreprise, un poste correspond à un salarié, chez BA, deux ou trois salariés sont nécessaires. Il faut aussi davantage d’espace et des postes de travail adaptés. Un bureau d’études a été créé, qui travaille, avec les salariés, à l’intégration des personnes handicapées sur leur poste. Mais qu’importe. Nul besoin ici de satisfaire des actionnaires. Le groupe BA - six établissements - est d’ailleurs géré par... une association.
"CE N’EST PAS DE L’UTOPIE"
Des formations à profusion. C’est la recette de Patrick Guérin.
Nom de la société : Celtipharm
Secteur d’activité : Marketing pharmaceutique
Dirigeant : Patrick Guérin
Date de création : 1993 ( rachat)
47 salariés
Le monde à l’envers. A Vannes, les quarante-sept salariés de Celtipharm, une boîte de marketing pharmaceutique, croulent sous les formations. Pour leur pédégé, Patrick Guérin, cela relève à la fois de l’investissement utile et de l’engagement citoyen. "Prévoir l’évolution des métiers et la faire partager aux salariés, c’est mon boulot", estime l’entrepreneur, qui a racheté la société il y a treize ans. Ce diplômé de l’Ecole vétérinaire, passé par une école de commerce, consacre donc aux formations un budget dix fois supérieur au minimum légal. Et les employés sont conviés à des entretiens de professionnalisation à un rythme quatre fois supérieur à la norme.
Mais pas seulement. Depuis 1999, ce Breton a tenu à certifier Celtipharm en responsabilité sociale. Une démarche qui prend en compte l’impact de l’entreprise dans la société. "Si l’on mesure le risque social, on se donne les moyens d’en éviter les conséquences. Comme celle de laisser les salariés sans moyens, si l’entreprise venait à faire faillite."
"LE PROFIT N’EST PAS LE SEUL INDICATEUR DE PERFORMANCE"
Yves Gonnord, ancien patron de Fleury Michon avait fait de l’emploi sa marotte.
Nom de la société : Fleury Michon
Date de création : 1934
Dirigeant : Yves Gonnord président du conseil de surveillance (Frédérick Bouisset président du directoire)
3400 salariés
Secteur d’activité : Plats cuisinés et charcuterie
Coté en bourse au Second Marché depuis 2000
Chiffre d’affaires : 611 millions d’euros
"Je suis un vendéen pur porc de naissance", s’amuse le roi des charcutiers. Jamais Yves Gonnord n’a voulu déménager ses usines, même après avoir fait de sa PME un groupe national. L’emploi local, il s’en est toujours senti responsable. Même si "la première responsabilité d’un chef d’entreprise est d’abord d’assurer le développement de celle-ci", dès qu’elle est rentable "on peut assurer le progrès social". Et les innovations en la matière, il connaît.
Des mesures qui payent : 1600 emplois créés ces sept dernières années. Et un taux de précarité d’une faiblesse record : seuls 2 % des emplois étaient des CDD en 2004, contre 20 % en moyenne dans le secteur. "Si le profit est indispensable à la pérennité d’une entreprise, il ne doit pas être le seul indicateur de sa performance", affirmait-il il y a peu. Il se dit même "convaincu que la prise en compte des facteurs humains sera de plus en plus importante dans la réussite des entreprises". Puisse cette fibre sociale se transmettre par le sang. Yves Gonnord se retire des affaires et laisse son fils Grégoire continuer son œuvre.
"JE SUIS UN TERROIRISTE"
Activité : Tissage, confection et vente
Dirigeants : Grégoire, Michaël et Raphaël Denis
Date de création : 1805
150 salariés
Au cœur de la Mayenne, à Fontaine-Daniel, une petite société prépare son bicentenaire. Malgré la crise du textile, les Toiles de Mayenne comptent encore 150 salariés, contre 300 il y a 30 ans. Mais l’entreprise a dû vendre ce village bâti par ses soins. "Nous n’avons toutefois pas délocalisé nos activités et avons toujours refusé l’entrée d’investisseurs au capital", explique Raphaël Denis.
"Monsieur Raphaël", comme l’appellent les salariés pour le distinguer de ses parents - les anciens patrons - dirige la maison avec son frère Grégoire et son cousin Michaël. Si chacun détient aujourd’hui 20 % des parts, l’héritage n’allait pas forcément de soi : "Passionné de cinéma, j’ai décroché un boulot à Paris, chez Gaumont, après des études de commerce. Un poste s’est alors libéré à Fontaine-Daniel. Comme je suis attaché au lieu, j’ai envoyé un CV... ", raconte Raphaël.
Le trio de quadras a grandi dans le village. "J’étais à l’école avec mes patrons, explique Annie Garry, une employée. Je les respecte et je ne les crains pas." Pour la septième génération Denis, c’est le secret de la pérennité : "Les employés ont confiance, ils savent que l’entreprise n’est pas un outil d’enrichissement personnel, estime Grégoire. Les dirigeants ne touchent pas de dividendes, l’argent est réinvesti ou épargné au cas où. Si les salaires sont peu élevés, les écarts sont faibles, de 1 à 4 fois le SMIC." "Ce devrait être la règle dans chaque entreprise", juge Raphaël. Membre du Centre des jeunes dirigeants, il fustige les parachutes dorés et les stock-options qui décrédibilisent le patronat et nuisent aux réformes.
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