https://www.terraeco.net/spip.php?article2104
La plus belle pour aller bosser
mercredi, 1er mars 2006 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Et si une simple coupe de cheveux pouvait se convertir en passeport pour un job ? C’est le défi que lance l’association La Tête de l’emploi.

Les coulisses sont dressées à l’arrière de l’école maternelle Pablo-Neruda, à Vigneux-sur-Seine (Essonne), der­rière un mur de briques. Au détour d’un couloir s’alignent des bacs à shampooing, une chaise d’esthéticienne, un salon de coiffure, un vestiaire. Ici, pour quelques euros, l’association La Tête de l’emploi s’efforce de redonner con­fiance à ceux qui l’ont perdue. Grâce à un soin, une coupe, un maquillage, quelques vêtements, les RMistes et les demandeurs d’emploi espèrent accrocher le regard d’un recruteur. Objectif : se préparer à l’épreuve de l’entretien d’embauche. "Ce sont les cinq premières secondes qui comptent", affirme Josée, la coiffeuse gouailleuse.

Avoir l’air d’aller bien

Alors, l’association propose ses services à tout petits prix. Deux euros pour un shampoing, quatre pour une coupe, dix pour une couleur, deux pour un vêtement : veste, chemise, jupe, pantalon. Et une adhésion annuelle de 10 euros. Le fonds Solidarité Europe, le conseil général et la commune l’aident à tenir ses promesses. Mireille franchit la porte pour la première fois. Exigeante, elle veut "pouvoir se coiffer le matin en quelques minutes", une "coupe classique mais jeune, dans le vent mais pas trop excentrique" pour parachever l’image d’une responsable en ressources humaines dynamique.

A 36 ans, Mireille, au chômage depuis trois ans, est en fin de droits. Elle a des enfants à élever, elle doit retrouver un boulot très vite. Et redorer son apparence, pense-t-elle, fait partie de l’équation gagnante. "Si je présente bien, je serai bien dans ma peau. Et ça jouera en ma faveur. Dans le passé, j’ai moi-même participé à des recrutements : on prend toujours celui qui a l’air d’aller bien", confie-t-elle. Quelques heures plus tard, Mireille sort, ravie. Avec, en prime, des conseils pour maintenir sa coiffure et une liste de quelques produits qu’elle trouvera en supermarché.

Ce n’est pas par hasard que Mireille a poussé cette porte. Elle a eu vent de l’association lors d’un déplacement dans une ANPE avec son groupe de recher­che d’emploi, Essonne ca­dres. Car La Tête de l’emploi ne se contente pas de recueillir les histoires douloureuses déversées à Vigneux au fil des shampooings. Ses missionnaires se déplacent aussi, portant la belle parole dans les couloirs gris des ANPE, des missions locales, des centres d’adaptation ou d’aide au travail... Là où cherchent, espèrent ou désespèrent les demandeurs d’emploi.

Eclaircie sociale

Aujourd’hui, La Tête de l’emploi est à la mission locale de Crosne dans l’Essonne. Cinq jeunes d’une vingtaine d’années, trois garçons et deux filles, assistent, un peu contraints, au "module couleur" qu’animent Fawzia et Josée. L’un après l’autre, ils se plantent, d’abord sceptiques, devant le miroir. Puis s’étonnent de voir ces tissus de couleur drapés autour de leur cou transformer à ce point l’expression de leur visage. Ce vert hyper-tendance tire leurs traits comme ceux d’un cocker, tandis que ce rose qu’ ils fuyaient les illumine.

Josée et Fawzia tracent pour chacun l’esquisse d’une nouvelle apparence, suggérant les tons à éviter, ceux à privilégier. Objectif ? Tisser l’écrin où s’épanouiront les visa­ges, le cadre dans lequel fleurira l’assurance. Pour que ces jeunes gens tentés par des métiers-vitrines - hôtesse d’accueil, secrétaire, vendeur, animateur - paraissent sous leur meilleur jour au bal des employeurs.


AUTRES IMAGES

JPEG - 23 ko
320 x 240 pixels