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Les gros maux de l’entreprise
jeudi, 16 février 2006 / Arnaud Gonzague

Etes-vous dépressif ? Psychasthénique ? Dysthymique ? Harcelé moralement ? Un petit bouquin très rigolo dresse un panorama érudit des mille et un tourments du salarié.

Marc Loriol, Je stresse donc je suis, comment bien dire son mal-être, Mots et Cie, 96 pages, 9 euros

L’entreprise, on ne le dira jamais assez, c’est un peu comme le Cluedo : mettez une poignée d’individus qui se connaissent approximativement dans une pièce fermée, attendez un peu et vous aurez bientôt un homicide. Heureusement, depuis Sigmund, on sait que les meurtres sont le plus souvent symboliques. Mais les dégâts réels, comme en témoigne Marc Loriol, sociologue spécialiste de la santé, qui a choisi l’humour pour les évoquer. Et il ne manque pas de matière ! Depuis un siècle que l’entreprise existe, ce bouillon de cultures (et de névroses) a fait éclore tout un vocabulaire nouveau dont l’auteur se plaît à dresser les histoires. Ainsi, on apprend que le stress a été découvert au début des années 30... sur les rats. Son inventeur, Hans Selye lui a donné une définition pour le moins générale : "Réponse de notre organisme à toute exigence ou pression extérieure". Et Loriol d’ajouter justement : "La vie » aurait aussi bien fait l’affaire". Eh oui, le stress, c’est la vie !

On découvre plus loin que la "sinistrose", ce mot qui qualifiait la situation sociale de la France au début des années 90 (et pourrait parfaitement s’appliquer au présent) désignait dans les années 30 "l’état des ouvriers en arrêt-maladie" vu par la bourgeoisie, pas follement heureuse que la plèbe ait le droit, comme elle, de s’aliter en cas de bobo. La "sinistrose", c’est "l’ouvrier blessé ou malade [qui] (...) exagérerait inconsciemment ses symptômes, voire en inventeraient de toutes pièces, pour toucher la rente et se la couler douce". Déjà !

Et sait-on que la "névrose des téléphonistes" n’a pas attendu l’invention du call center ? Elle a été identifiée... en 1956 ! A l’époque du "22 à Asnières", il ne faisait déjà pas bon être de l’autre côté du combiné. Un psychologue de l’époque définit quelques troubles des téléphonistes surmenées : entre autres, elles répondent "Allô ne quittez pas ! (...) quand on leur adresse brusquement la parole" ! On passera sur les mille et une manières de désigner l’épuisement physique au travail (burnt out, karoshi, syndrome de fatigue chronique...) ou les multiples visages du harcèlement moral (mobbing, bullying, psychoterreur...) pour s’appesantir sur les vocables plus rares : nervosisme, dysthymie, alexithymie, asthénie... Dit comme ça, ça a l’air compliqué, mais lisez-les : vous y reconnaîtrez forcément l’un de vos charmants collègues !


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