https://www.terraeco.net/spip.php?article19834
|
Mélenchon : « Les Verts ont fait évoluer mon esprit »
vendredi, 28 octobre 2011
/ Julie Majerczak
|
Productivisme, nucléaire, relations avec ses alliés communistes : « Terra eco » a interrogé tous azimuts le candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle.
Jean-Luc Mélenchon, vous n’êtes plus socialiste.Vous n’êtes pas communiste. Seriez-vous « mélenchoniste » ?
Quelle horreur ! Je réprouve totalement les délires égotiques auxquels donnent lieu la pipolisation et la présidentialisation de la vie politique. Je suis de gauche comme l’indique le nom de mon parti et celui du Front. Ce n’est pas par manque d’imagination, mais parce que nous avons l’ambition d’être un creuset idéologique permettant aux différentes traditions de la gauche de se revisiter et de s’actualiser.
N’est-ce pas une manière de botter en touche sur une question qui divise le Front de gauche ?
C’est vrai que c’était une réelle difficulté entre nous. Personne ne voulait rien céder. Même dans nos partis : une minorité dans le Parti de gauche n’est pas d’accord sur l’urgence de la sortie du nucléaire et une minorité au Parti communiste n’est pas favorable au nucléaire, même sécurisé et public. Pour autant, le référendum n’est pas une solution au rabais. Ce sera une grande première, il n’y a jamais eu de débat public sur le nucléaire en France. J’attends beaucoup de cette pédagogie collective. C’est plus prometteur que d’en rester à des certitudes dogmatiques et d’exiger des autres qu’ils renoncent.
Quand éteignez-vous la lumière dans la dernière centrale ?
Si le référendum le décide, je me cale sur le scénario Négawatt (voir page 14) : 2033 pour l’étape-clé où l’on ferme la dernière centrale et 2050 pour le basculement presque total vers les énergies renouvelables.
Et l’énergie éolienne ?
Je trouve ça laid, les éoliennes. Et la beauté a son importance. Un beau paysage, je crois que cela a une fonction humaine.
Comment allez-vous garantir un prix de l’énergie abordable pour tous ?
Le coût de l’énergie doit être acquitté dans des conditions socialement justes et écologiquement responsables. Je suis pour des tarifs progressifs avec gratuité des premiers kilowatts. Je pense qu’il y a des biens auxquels il est d’intérêt général que tout le monde puisse accéder gratuitement. Je ne dis pas « autant que de besoin », car ce serait un encouragement à des consommations démesurées. L’accumulation est souvent une sorte de réflexe conditionné. D’ailleurs je suis pour faire payer plus cher les mésusages.
Faut-il continuer les recherches sur les gaz de schiste ?
Non. La méthode de recherche présente les mêmes inconvénients que l’exploitation elle-même : propulsion énorme d’eau, recours à des produits chimiques. Ce qui menace tout autant les nappes phréatiques.
Il faut priver la finance de tous ses outils de domination et assécher la spéculation contre les Etats. Cela signifie séparer les banques de dépôt des banques d’affaires, interdire l’acquisition de titres d’assurance sur une dette sans qu’on possède soi-même de la dette – les fameux CDS (les « Credit default swap » ont notamment été à l’origine de la crise de 2008, ndlr) –, interdire les produits dérivés, taxer les mouvements de la finance… Et puis, surtout, permettre aux Etats de s’endetter directement auprès de la Banque centrale européenne (BCE) au tarif auquel celle-ci prête aux banques privées au lieu d’obliger les Etats à se financer sur le soi-disant « marché ».
Mais toute seule, la France ne peut rien faire…
L’état du monde a toujours justifié la résignation. Faire la République était absurde quand tout le monde était en monarchie. Certes, nous avons 26 partenaires dans l’Union européenne, mais ce ne sont pas 26 ennemis. Nous pouvons convaincre ! Et puis, la France n’est pas la cinquième roue du carrosse, c’est la deuxième puissance économique de l’Union et le deuxième peuple le plus nombreux. Nous avons notre mot à dire. Si nous sommes mécontents de la manière dont est géré l’euro, c’est notre devoir de le dire.
Cela ne veut pas dire que je sois favorable à la sortie de l’euro. Ce serait une capitulation. Mais on doit parler du statut de la BCE. C’est la seule banque centrale du monde qui a pour unique objectif la stabilité des prix. La banque fédérale américaine a racheté 2 500 milliards de dollars (1 800 milliards d’euros, ndlr) de titres de dette à l’Etat. Et nous, on chipote pour 100 milliards à prêter aux Grecs, soit moins d’1 % du Produit intérieur brut de l’Union.
Faut-il nationaliser les banques ?
Je ne suis pas un « pavlovien » de la nationalisation. Je vois bien que la nationalisation est souvent l’argument pour la socialisation des pertes. Il ne saurait être question de mettre sur les épaules des Français la totalité des actifs pourris qui se trouvent aujourd’hui dans ces banques. Par rapport au système bancaire en place, je suis pour une mise sous tutelle et je veux créer, à côté, un pôle public financier qui nous donne la garantie absolue que la fonction bancaire sera remplie. On a besoin de banques dans une économie réelle !
Et les entreprises ?
La tâche numéro 1, c’est la définanciarisation. Il n’est pas normal que les financiers et les commerciaux occupent la place des ingénieurs et des productifs. Il n’est pas normal que des entreprises productives fassent plus de bénéfices avec la gestion de leur trésorerie qu’en vendant ce qu’elles produisent. Oui, il faut nationaliser les entreprises dans certains secteurs comme l’énergie, l’eau. Mais nationalisation ne veut pas dire étatisation et centralisation. Ça peut être des coopératives ouvrières, des entreprises dont le capital est détenu par une collectivité locale… Ce que j’appelle de la propriété sociale.
1977 Adhère au Parti socialiste
1986 Elu sénateur de l’Essonne, réélu en 1995 et 2004
2009 Elu député européen
2000-2002 Ministre de l’Enseignement professionnel de Lionel Jospin
Novembre 2008 Quitte le Parti socialiste suite au congrès de Reims et fonde le Parti de gauche
18 juin 2011 Investi comme candidat du Front de gauche à l’élection présidentielle de 2012