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Muriel, Daniel, Alain : agriculteurs et fiers de l’être
jeudi, 19 janvier 2006
/ Bénédicte Foucher
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/ Toad
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Leur histoire est très différente, mais leur état d’esprit est le même. Détermination, esprit d’entreprise, et passion. Portraits.
MURIEL : "CESSONS DE CULPABILISER"
Avant de se lancer dans l’aventure, Muriel Sicard a suivi des études d’ingénieur agronome à Clermont-Ferrand. A la sortie de l’école, elle effectue un stage en station de recherche en Suisse, dans un organisme du type de l’Institut de recherche agronomique (Inra). "Mais je voulais être plus proche du terrain."
En novembre 2004, Muriel Sicard rejoint la région parisienne, où elle est animatrice pendant un an aux Jeunes agriculteurs, à Versailles. L’été dernier, elle se décide enfin. Pour financer le tracteur, les serres, l’irrigation, la chambre froide, le véhicule utilitaire, elle fait appel à des aides nationales et compte obtenir par le Crédit agricole un prêt à taux réduit (2,5 %) de 60 000 euros sur sept ans. "C’est pas énorme, mais pour moi, c’est une somme astronomique !" L’agriculture, Muriel y croit encore, contrairement à son père et à d’autres de sa génération, qui pensent que "le métier est mort". "Nous devons mieux communiquer pour mieux passer auprès des consommateurs, mais aussi pour retrouver la fierté de notre métier, martèle-t-elle. Arrêter de culpabiliser, d’avoir honte de faire de la quantité par exemple."
DANIEL : "LE BON PRODUIT AU BON MOMENT"
Daniel a vu une terre d’élevage "où ne poussaient que des ronces" se convertir en l’une des rares plaines céréalières du sud de la Loire. Avec sa femme Bernadette, il a opté pour une agriculture "raisonnée", appelée à devenir le nouveau standard de l’agriculture française. "Apporter le bon produit, au bon moment, à la bonne dose, et mieux encore, au bon endroit", grâce à l’agriculture de précision, assistée par ordinateur et par satellite. "Paradoxalement, grâce à ces techniques pointues, on retrouve les réflexes de nos aïeuls, qui devaient observer la nature pour leur métier, s’enthousiasme Daniel Carlier. Avec le productivisme, nous les avions perdus."
ALAIN : "ME BATTRE SUR LE TERRAIN DU DROIT"
Un producteur céréalier est parti en guerre contre le Crédit agricole, supposé défendre les paysans. Grosse colère.
"Ils n’attendent qu’une chose, c’est que je prenne les fourches, s’exclame Alain Baranger, agriculteur près de Gien, dans le Loiret. Même si parfois c’est tentant, je préfère me battre sur le terrain du droit." Rien ne prédestinait ce céréalier à prendre la tête d’une "jacquerie" . Pourtant, depuis quinze ans, il est parti en guerre contre le Crédit agricole, l’une des grosses institutions du monde paysan. Tout commence en 1988 quand il reprend une ferme de 220 hectares en location à Pierrefitte-ès-Bois, exploitée par un Gaec (Groupement agricole d’exploitation en commun). Au terme d’un imbroglio judiciaire, il se retrouve condamné à verser 528 000 francs au Crédit agricole du Loiret, le "montant de la dette du précédent occupant."
Ensemble, ils reprochent au Crédit agricole sa promptitude à les poursuivre et à saisir leurs biens quand ils se retrouvent en situation financière délicate. Une attitude, selon eux, bien éloignée de l’objet qui prévalait à la création de la banque en 1894 : le mutualisme au service du mieux-être des paysans. "Malgré la privatisation en 1988, la banque continue d’exiger que les emprunteurs prennent des parts sociales, s’indigne Alain Baranger. Autant d’argent que la banque fait travailler à son profit et ne rendra que plusieurs années plus tard aux prix de souscription."
Selon lui, l’introduction en Bourse n’a rien arrangé : "5,5 millions de sociétaires ont été dépouillés par cette opération." Verte France a donc demandé au tribunal de constater la nullité des caisses locales et régionales de la banque. Si les juges ont donné raison sur le plan historique aux "débiteurs insolents", selon les mots de la partie adverse, ils n’en ont pas tiré de conclusion juridique. "Je ne lâcherai rien, je tiendrai jusqu’au bout", promet l’agriculteur qui poursuit son combat devant les tribunaux.
ALLER PLUS LOIN
Direction générale de l’Agriculture de la Commission européenne
Archipel paysan, la fin de la République agricole, Jean Viard, Bernard Hervieu, Ed. L’Aube, 2004, 128 pages.
Agriculture et monde agricole, Pierre Daucé, La documentation française, 2003, 160 pages.
La forteresse agricole, Gilles Luneau, Ed. Fayard, 2004, 806 pages.
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