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Victoire d’Hollande : ce qu’en pensent les écolos
lundi, 17 octobre 2011 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

François Hollande a remporté la primaire socialiste. L’alliance en chantier avec les écologistes est-elle menacée ? Réactions croisées de Jean-Vincent Placé, François de Rugy et Denis Baupin.

François de Rugy, député de Loire-Atlantique, Jean-Vincent Placé, sénateur de l’Essonne et Denis Baupin, adjoint au maire de Paris, sont tous trois membres d’Europe Ecologie - Les Verts (EELV). Ils ont répondu aux questions de Terra eco séparément.

Terra eco : Lors de la campagne de la primaire, Martine Aubry a défendu des positions proches de celles des écologistes. Pensez-vous qu’il sera plus difficile de négocier avec François Hollande qu’avec Martine Aubry ?

François de Rugy : Si c’est le cas, c’est inquiétant pour notre capacité à former un parti majoritaire en 2012. Non, je pense que François Hollande a cette capacité à s’ouvrir aux autres. Il sait qu’il ne pourra pas gouverner tout seul. Il l’a dit dans des interviews, dans des livres. Il souhaite une majorité pour 2012 avec une alliance entre PS et EELV et il est prêt à faire des compromis. Je pense qu’il a la culture du compromis, de la coalition. Cela lui a été d’ailleurs parfois reproché.

Jean-Vincent Placé : Très sincèrement, je ne crois pas. Nous avons entrepris, sous l’autorité de Martine Aubry et de Cécile Duflot, des discussions pour un accord programmatique et électoral en vue des législatives de 2012. Le candidat à la présidentielle aura son mot à dire mais la discussion se fait de parti à parti. On verra dans les semaines à venir sur quoi François Hollande choisit de faire porter son influence. Mais il n’y a pas de raison de préjuger de quoi que ce soit. 

Denis Baupin : Qu’importe le candidat. Martine Aubry va redevenir secrétaire nationale du PS et les gens qu’on rencontre sont des gens du PS. Il n’y a pas de raison que François Hollande ne veuille pas aboutir à un accord. C’est sa crédibilité de candidat présidentiable qui est en jeu. Avec la majorité qu’on va devoir affronter, nos intérêts sont convergents.

Mais Martine Aubry s’était quand même déclarée en faveur d’une sortie du nucléaire, comme EELV…

F. de R. : Je considère que la position anti-nucléaire de Martine Aubry – qu’elle a d’ailleurs exprimé très tardivement – était en grande partie un leurre. Quand on lui a demandé un objectif chiffré, elle s’y est toujours refusée. Quand François Hollande lui a demandé lors d’un débat si elle était d’accord sur l’objectif de 50% de nucléaire dans le mix électrique en 2025, elle a refusé de se prononcer.

Vous pensez qu’avec François Hollande, à l’inverse, les compromis sont possibles sur le nucléaire ou encore sur le scrutin à la proportionnelle ?

D.B. : C’est vrai que nous avons dit et redit que nous n’entrerons dans une coalition qu’à condition qu’il y ait accord autour d’une sortie du nucléaire. Mais ensuite on peut discuter de l’échéance. De toute façon, ce ne sera pas quelque chose qu’on va décréter comme ça. On ne va pas dire " on sort du nucléaire le 5 mars 2033 ". On est dans la vraie vie. Sur la proportionnelle, tout sera une question de curseur. Les socialistes veulent un scrutin majoritaire, nous à la proportionnelle. Donc ce sera quelque chose de mixte. La question est de savoir quelle part de proportionnelle on introduit. Mais ce ne sera pas blanc ou noir. Ce sera sans doute une nuance de gris.

Certains membres d’EELV ont pris position contre Hollande et pour Martine Aubry pendant la primaire. Pensez-vous que c’était une erreur ?

F. de R. : Certains dirigeants d’EELV se sont cru bien placés – sans mauvais jeu de mot - pour faire la campagne de Martine Aubry entre les deux tours. Ils n’ont pas hésité à dire que tout le peuple écologiste allait voter en masse pour elle. Je pense que c’était une erreur qui a été assimilée à un matraquage. Et ce n’est pas très honnête vis-à-vis d’EELV et d’Eva Joly. Moi, j’ai exprimé une préférence (pour François Hollande, ndlr) mais je n’ai pas fait de campagne, de vidéos ou d’appel.

J-V. P. : On ne s’est pas mêlé de la primaire. Même si certains ont voulu grossir le trait. La direction n’a pas fait d’appel à voter. Evidemment à la question, " est-ce que vous travaillez bien avec Martine Aubry ? ", on répondait " oui ". A la question, " est-ce que Martine Aubry a bien intégré les questions écologiques ? ", oui aussi. J’assume l’ensemble des propos et des actions de ces dernières semaines. Mais vous pouvez constater que je suis aussi très combattif pour convaincre François Hollande de la nécessaire sortie du nucléaire.

EELV avait fixé la date du 5 novembre comme échéance pour une alliance. Pensez-vous que le calendrier pourra être tenu ?

D.B. : C’est à cette date que nous avons fixé le conseil fédéral d’EELV. C’est là que nous devions soumettre au vote le projet d’une alliance avec le PS. Mais boucler une alliance avant cette date, c’était déjà tendu pour Martine Aubry… François Hollande va avoir besoin de temps pour se retourner. Si on ne signe pas une alliance pour le 5 novembre, on le fera après. Dans l’absolu on a le temps, en tout cas sur l’aspect programmatique. La seule exigence c’est un accord sur les circonscriptions avant décembre. Si le PS désigne des candidats pour des circonscriptions réservées aux écolos, ce sera très difficile de leur demander de partir.

J-V. P. : J’ai toujours dit qu’à mon avis, ce calendrier n’était pas tenable. Et ce n’est pas une question de Martine Aubry ou de François Hollande. Les socialistes ont une grand messe samedi prochain. Ensuite, il va y avoir les vacances de la Toussaint. On aboutira plus facilement mi-novembre, fin décembre. En revanche, je vois mal comment on pourrait signer un accord après Noël, comment on pourrait lutter contre les forces centrifuges de l’élection présidentielle.

F. de R. : Si on repousse au-delà de la fin 2011, on ne pourra plus discuter. Reporter la discussion à l’entre-deux-tours ne créera pas la confiance. Cela ne dira pas aux électeurs qu’on est prêt à gouverner ensemble. A mon avis, il faut se donner les moyens de respecter la date du 5 novembre. Si on se dit, " on revoit les choses en décembre, en janvier ", on est sur la mauvaise pente.

Pensez-vous que François Hollande et les socialistes estiment qu’une alliance avec EELV est indispensable ?

F. de R. : François Hollande est parfois critiqué pour sa conception à l’ancienne de la politique. Mais au moins, il sait compter. Il voit bien qu’il y a une sensibilité politique qui, élection après élection, rassemble un grand nombre d’électeurs. A laquelle un grand nombre de Français fait confiance. L’enjeu finale, ce ne sont pas les partis politiques mais les électeurs. Et les gens ont envie de plus d’écologie dans leur vie.

J-V. P. : Même s’ils ne sont pas écolos comme nous, ils voient bien que les questions de problématique écologique ont une importance sans égal depuis quelques années. Le Grenelle, le film d’Hulot ont intéressé les Français. Il y a eu des catastrophes dans le monde entier. Et ça n’a pas échappé à François Hollande. D’ailleurs, il parle aujourd’hui d’écologie, ce qu’il ne faisait pas il y a quelques années.