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Le timbre vert est-il vraiment écolo ?
mercredi, 12 octobre 2011 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Lancé par la Poste, il bannit l’acheminement par avion et doit permettre, à terme, de baisser de 30% les émissions d’une missive.

Une lettre, ce n’est qu’un bout de papier glissé dans une enveloppe. A priori ca ne devrait pas peser bien lourd sur la balance environnementale. Détrompez-vous. Selon la Poste, une lettre en tarif prioritaire envoie 30,1 g de CO2 dans l’atmosphère (1).

Mais le bilan d’un courrier pourrait bien diminuer. Grâce au nouveau timbre vert mis en circulation par la Poste depuis le 1er octobre. Un timbre décoré d’une feuille, vendu légèrement plus cher que le timbre en tarif lent (0,57 contre 0,55 euro), mais moins que son cousin prioritaire (0,60 euro), et destiné à desservir les foyers et entreprises françaises.

Mais pourquoi snober le train ?

Ce n’est pas son prix qui fait sa « greenitude » mais son rythme de croisière. Moins rapide que le courrier express, le courrier vert est acheminé non plus en 24 mais en 48 heures. Avec son jour de délai grignoté, la Poste peut ainsi se permettre de snober l’avion, au moins en métropole (la promesse exclut les DOM et la Corse). « Les émissions par camion sont 4 à 5 fois inférieures (2) aux émissions des courriers envoyés par avion », assure-t-on au service de presse. Ainsi acheminé, le correspondance au tarif vert ne devrait plus émettre que 25,8 g de CO2, soit 14% de moins que la lettre prioritaire. A terme, lorsque la Poste aura mieux maîtrisé sa consommation d’énergie, appris l’éco-conduite à tous ses agents ou amélioré l’isolation de ses bâtiments, la lettre verte devrait émettre 30% de CO2 de moins que la missive prioritaire d’aujourd’hui.

Mais ne pourrait-elle pas mieux faire ? Pour cela, il lui suffirait d’emprunter… le train. Avec 6,07 g de CO2 émis par km (contre 79 pour le poids lourd et 1 220 pour l’avion) et par tonne de marchandises transportée selon l’Ademe, celui-ci est encore plus économe en émission. « Autrefois il y avait des ambulants, se souvient Hervé Tellier, de la CGT PTT. Les agents triaient dans les trains et pouvaient respecter des délais à J +1. Mais ça été supprimé dans les années 1980 et 1990 pour des questions de budget et d’emplois. »

Une mesure cosmétique ?

Aujourd’hui le transport ferroviaire se limite à des TGV postaux qui transitent essentiellement sur la ligne Paris-Mâcon-Cavaillon. Ceux-là acheminent moins de 10% des courriers prioritaires (contre plus de 20% pour l’avion). La lettre verte pourrait-elle emprunter le train ? Pas si l’on veut tenir les délais, affirme la Poste qui rappelle la situation délicate du fret ferroviaire en France et l’absence d’un maillage adapté. « Nous avons une obligation de service public. Nous ne pouvons dégrader la qualité de nos acheminements », explique Salvator Erba, directeur du « courrier responsable » du groupe. Quoi qu’il en soit, la lettre verte n’enverra pas forcément plus de camions sur les routes, précise-t-il encore. « Elle va transiter par des liaisons routières existantes. On utilise déjà les camions pour les écoplis en J +4. Là, on va juste les remplir davantage. »

Du côté des syndicats, on voit dans le timbre vert une mesure simplement cosmétique. Car selon eux, le trafic routier a bien augmenté depuis quelques années mais pour une autre raison. « La Poste a transformé les centres de tri en PIC (plateformes industrielles courrier, ndlr) régionaux et a éloigné le personnel des centres. Du coup, il y a plus de monde sur les routes. De la même manière comme les centres de tri sont éloignés des bureaux de distribution, il y a aussi plus de camions », souligne Hervé Tellier. « Ce n’est pas ce que les chiffres ont révélé, se défend Salvator Erba. Ce n’est pas parce qu’il y a moins de centres, qu’il y a plus de km parcourus au total. Les plateformes sont toujours fournies en amont par des PPDC (plateformes de préparation et de distribution du courrier, ndlr) et alimentent en aval les PDC (plateformes de distribution du courrier, ndlr). C’est vers ces points que les employés convergent. »

Et le timbre lui-même dans tout ça ? Aujourd’hui, il est imprimé sur un papier estampillé FSC comme ses cousins des tarifs prioritaire ou lent. « La deuxième étape sera le choix d’encres moins polluantes. C’est en cours », assure Salvator Erba.

(1) L’entreprise a intégré dans ce chiffre le transport de sa flotte et des sous-traitants ainsi que les émissions de ses bâtiments.

(2) A en croire l’Ademe, en interurbain, le rapport entre les émissions des marchandises transportées par camion de plus de 25 tonnes et par avion serait plutôt de 1 à 15.