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« Nous avons besoin de temps pour trouver des substituts »
jeudi, 6 octobre 2011 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Le bisphénol A revient à l’Assemblée. Cette fois-ci, il ne s’agit de l’éliminer de tous les contenants alimentaires. Mais pour les industriels, comme Patrick Levy, difficile de trouver des substituts satisfaisants et inoffensifs.

Patrick Levy est médecin conseil de l’Union des industries chimiques (UIC).

Terra eco : L’Anses a publié deux rapports qui concluent à la dangerosité du bisphénol A à faible dose. Que pensez-vous de ces conclusions ?

Patrick Levy : Je n’ai pas de critique à formuler d’un point de vue scientifique. L’agence a analysé l’ensemble des publications scientifiques, y compris les études s’appuyant sur des protocoles non conventionnels. Et elle s’inscrit dans le droit fil de l’évaluation de l’Inserm. Ce sont des avis très précieux pour nous. Nous les analysons et les prenons en compte.

Néanmoins, cet avis représente un changement fondamental dans l’appréciation du seuil admissible (1). Les agences fondent leur jugement sur la base d’études qui appliquent les principes de la toxicologie : « C’est la dose qui fait le poison. » L’Anses, prenant en compte d’autres études, nous dit qu’il faut considérer des fenêtres d’exposition (qui varieraient selon l’âge de l’individu, ndlr) d’effets différés voire transgénérationnels. C’est une petite révolution qui bouscule les principes fondamentaux de la toxicologie. C’est un problème qu’il convient de traiter avec les grandes agences sanitaires des autres régions du monde et au minimum au niveau européen. On ne peut se satisfaire d’une approche franco-française.

Si la loi venait à être votée, serait-il difficile pour les industriels de trouver des substitutions au bisphénol A ?

Le problème est surtout de faire coïncider le calendrier industriel de recherche et développement avec la proposition de loi. Aujourd’hui, certaines applications marginales sont substituables. Mais en ce qui concerne le polycarbonate, c’est beaucoup plus difficile. On ne sait pas le fabriquer sans bisphénol A. Or, c’est un plastique avec des propriétés excellentes : très bonne résistance thermique et aux chocs, propriétés de surface… Nous avons un problème similaire avec les résines epoxides qui sont appliquées sur les contenants métalliques, dans les cannettes, les boîtes de conserve, etc. Ces résines permettent d’améliorer la durée de conservation et de réduire les risques de contamination microbienne. Elles sont essentielles ! Je ne vois pas comment on pourrait s’en passer.

Pour trouver des substituts à ces deux applications, il faut trouver des remplaçants au BPA, reformuler les composants, adapter l’outil industriel et réaliser une évaluation irréprochable de leur sécurité. C’est un processus qui, à mon sens, devrait prendre au moins cinq ans. D’autant que les données manquent. Sur les risques sanitaires du bisphénol A, il y a une littérature abondante mais pas sur tous les produits candidats à la substitution.

Vous dites qu’il vous faut un délai de cinq ans mais pour limiter le risque sanitaire faut-il dès aujourd’hui mieux informer les consommateurs ?

Nous ne pouvons être que favorables à l’amélioration de la transparence vis-à-vis du grand public. Mais est-ce qu’apposer un logo va permettre un achat plus éclairé ? Je n’en suis pas sûr. On voit apparaître beaucoup de logos qui ne modifient pas forcément les habitudes de consommation. Et à mon avis c’est encore un point qu’il faudrait discuter au niveau européen. Les produits circulent à l’intérieur de l’Union. S’il faut les étiqueter à l’arrivée en France, ça rend les choses compliquées. Nous avons besoin d’une cohérence européenne.

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(1) Il existe en toxicologie une dose journalière admissible (DJA). C’est la quantité de substance qu’un individu peut théoriquement ingérer quotidiennement sans risque pour sa santé.