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Contre-productif, le bonus-malus augmente les rejets de CO2
vendredi, 30 septembre 2011 / Louise Allavoine

L’écopastille devait lutter contre les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports. Couronnée de succès, elle a pourtant, selon trois chercheurs de l’Insee, eu l’effet inverse. Cherchez l’erreur.

La « mesure phare » du Grenelle de l’environnement fait pschiiit. Dans une évaluation publiée en septembre, trois chercheurs de la Direction des études et synthèses économiques de l’Insee la juge sévèrement, estimant que « si le report vers les véhicules bénéficiant d’un bonus a été spectaculaire, l’impact environnemental de la politique a été négatif ». Explications.

La moyenne des émissions de CO2/km des voitures neuves a beau avoir baissé de 12% en deux ans, « cette réforme a nettement augmenté les ventes, se traduisant par une augmentation importante des émissions liées à la production et à la circulation de ces nouvelles voitures », résument les chercheurs. Le bonus-malus aurait dû inciter les Français à troquer leur véhicule pour un moins polluant. Il a en fait attiré de nouveaux acheteurs. Au lieu de rester stable, le parc automobile français a gonflé. C’est le premier effet pervers. Deuxième effet « Kiss Cool » : l’allongement des trajets. Sa voiture consommant moins de carburant, le conducteur est allé plus loin, annulant ainsi l’économie réalisée de CO2.

Au bout du compte, les rejets ont augmenté. Pour Michel Dubromel, responsable « transports et mobilités durables » chez France nature environnement, « il ne faut pas oublier que le bonus-malus avait été doublé d’une prime à la casse (300 euros, ndlr.), et c’est celle-ci qui avait provoqué un effet rebond (1) spectaculaire ».

Entré en vigueur dès janvier 2008, le bonus-malus automobile fut la première mesure concrète du Grenelle. Son principe est le suivant : les acheteurs attirés par les grosses cylindrées émettant plus de 160 g de CO2/km s’acquittent d’une taxe de 200 à 2 600 euros. A l’inverse, l’achat d’une voiture émettant moins de 130 g de CO2/km donne droit à une ristourne de 200 à 1000 euros. Succès fulgurant et immédiat. Le hic ? Alors que les comptes devaient s’équilibrer, l’Etat débourse plus de bonus qu’il n’encaisse de malus. En 2010, la mesure affiche un déficit de 500 millions d’euros selon Gilles Carrez, le rapporteur général (UMP) de la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Dès lors, c’est la guéguerre entre le ministère du Budget et celui de l’Ecologie, Bercy tentant de faire sauter le bonus pour ne garder que le malus. L’hôtel de Roquelaure tient le coup, mais les seuils d’attribution des bonus et des malus comme les sommes versées seront malgré tout réévalués plusieurs fois.

Non, d’après les auteurs de l’étude : « Un tel dispositif peut être efficace puisque les consommateurs réagissent fortement aux incitations financières correspondantes, mais il est nécessaire de les calibrer avec attention. » En somme, il ne faut pas jeter bébé avec l’eau du bain, mais ajuster les seuils. La mesure deviendrait neutre en émissions de gaz à effet de serre si le bonus était de 700 euros pour la classe A- (61 à 100 g de CO2/km), 200 pour la classe B (101 à 120 g) et zéro pour la classe C+ (121 à 130 g), selon eux. Alors que le projet de loi de Finances pour 2012 vient d’être présenté par le gouvernement, la vis devrait encore une fois être resserrée sur cette mesure, mais pas pour des raisons environnementales. En ces temps de vaches maigres, l’Etat vise la neutralité fiscale. « Pour nous, l’équilibre budgétaire est vraiment une exigence, souligne Michel Dubromel. Le problème du dispositif lorsqu’il a été mis en place, c’est que le malus n’était pas assez pénalisant. Nous demandons qu’il soit plus élevé et annualisé. »

(1) L’effet rebond a été disséqué en 2009 par des chercheurs de l’université britannique de Cambridge. En clair, il annule – au moins en partie – les économies d’énergie réalisées grâce aux progrès technologiques en poussant les ménages à consommer – toujours – davantage. C’est le cas, par exemple, d’un propriétaire qui installe chez lui des doubles-vitrages. Rassuré sur le futur montant de sa facture, il aura tendance à booster le thermostat du chauffage. Idem pour un automobiliste embarqué dans une voiture moins polluante.