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Sortir du nucléaire sans revenir à la bougie ? C’est possible !
jeudi, 29 septembre 2011 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

L’association Négawatt a rendu son scénario pour la période 2011-2050. Il prévoit la fin de l’atome à l’horizon 2033 et ce, sans sacrifier notre confort actuel.

Sur l’échiquier politique, le débat fait rage. Sortir du nucléaire, est-ce possible ? Si oui, quand et à quel coût ? Avec 75% d’électricité d’origine nucléaire, la France serait pieds et poings liés, assurent certains. Négawatt, qui a rendu ce jeudi son nouveau scénario, dit tout le contraire. L’association a puisé dans les méninges d’une vingtaine de spécialistes (ingénieurs, architectes, universitaires, sociologues…) qui ont bûché pendant quatorze mois. Objectif ? Elaborer un scénario pour la période 2011-2050. Une feuille de route susceptible de donner à la France les moyens de participer comme il se doit à l’effort de réduction de gaz à effet de serre et de limiter l’augmentation de la température du globe à 2°C.

Comment éviter un retour à la bougie et aux peaux de bêtes sans cracher du CO2 dans l’atmosphère ? Jusqu’ici beaucoup brandissaient en guise de solution la carte nucléaire. Sauf que « dans la situation actuelle, le nucléaire ne répond pas aux critères d’un développement soutenable qui consiste à ne pas laisser aux générations futures des fardeaux plutôt que des bienfaits. Elle ne peut être qu’une énergie de transition », a souligné Thierry Salomon, président de Négawattt, lors d’une conférence de presse ce jeudi.

« Compter le coût du démantèlement dans la facture est une aberration »

En finir avec le nucléaire, d’accord. Sauf si on risque d’y laisser sa chemise. Les coûts relayés ces derniers temps par Le Figaro ont fait frémir les consciences. Ils ne sont pas du goût de Marc Jedliczka, porte-parole de l’association : « Ils se sont appuyés sur un chiffre de 250 milliards d’euros sorti par la Caisse des dépôts allemande et l’ont multiplié par trois pour s’adapter au parc français. Mais ce chiffre recouvrait ce qu’il faut mettre sur la table pour investir dans des alternatives, pas le coût de la sortie. » Et quand bien même le chiffre serait juste : « Compter le coût du démantèlement dans la facture est une aberration. De toute façon, il faudra bien démanteler les réacteurs vieillissants à un moment, même si on ne sort pas du nucléaire. »

Par ailleurs, poursuivre sur la voie nucléaire risque de coûter cher. L’EPR de Flamanville ? La facture n’en finit pas d’augmenter et le prix de son énergie risque bien de ne pas être compétitif. A tel point que l’association conseille tout bonnement d’arrêter dès aujourd’hui les frais. Les installations existantes ? « Il va falloir 60 milliards d’euros pour mettre à niveau les réacteurs en réaction à la catastrophe de Fukushima », explique encore le porte-parole de l’association.

Réduire la demande de 65%

Du coup, Négawatt table sur une sortie du nucléaire à l’horizon 2033, soit sept années plus tôt que dans leur précédent scénario. Un laps assez long pour avoir le temps d’organiser la relève, assez court pour n’avoir pas à prolonger la vie de réacteurs vieillissants ou – pire – à en construire de nouveau. Mais quelle relève en fait ? L’association table sur plusieurs outils. D’abord la sobriété et l’efficacité énergétiques. Encouragées par une fiscalité attractive notamment dans le bâtiment ou la mobilité, elles pourraient réduire la demande en énergie primaire de 65% à l’horizon 2050. Les énergies renouvelables enfin. Boostées par un prix des fossiles en forte croissance, encouragées par une baisse de leur propre coût de production, les énergies renouvelables pourraient représenter 91% de nos ressources énergétiques en 2050.

Mais combien pèsera la transition sur nos épaules déjà meurtries par la crise ? Si la sobriété ne coûte rien, rénover les bâtiments, installer des structures de transport public, des panneaux solaires et des éoliennes devra passer par des investissements. Privés certes, mais portés par des petits coups de pouces étatiques, sur le plan fiscal notamment. « D’un strict point de vue économique, la transition énergétique peut être considérée de manière générale comme un investissement qui sera nécessairement rentable à plus ou moins courte échéance », souligne le rapport. Des économies et des emplois pour les particuliers, un chiffre d’affaires pour les entreprises, un moyen d’éviter les coûts – qu’on prédit colossaux – du changement climatique pour l’Etat.

Pour Négawatt, pas de doute, il y a urgence. « Ce scénario est le seul vrai programme pour les 30, 40 prochaines années. Et il va aussi permettre une réindustrialisation de la France et un réaménagement du territoire… », a souligné Marc Jedliczka, lors de son passage à la tribune. Mais l’association sera-t-elle écoutée ? Son scénario de 2003 avait servi à alimenter le Grenelle, une loi en partie détricotée. « On y a cru. Et je crois qu’on a bien fait d’y aller et de faire des propositions fortes, a confié au micro, Thierry Salomon. Mais on a appris qu’il ne suffit pas d’être là dans quelques réunions mais qu’il fallait être présent tout du long pour éviter les coups de dague de l’industrie. »

Le monde en 2050 vu par Négawatt