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« Le patriotisme agricole est une voie payante »
vendredi, 30 septembre 2011 / Raphael Baldos

Notre modèle de développement ne marchera pas si l’on continue de tirer les prix vers le bas, estime Serge Papin, président de Système U.

Local is beautiful. Mais pas toujours moins cher. Alors pour faire admettre son concept de « patriotisme agricole », Serge Papin, président de Système U, plaide pour une production de qualité et respectueuse de l’environnement. Selon lui, le consommateur français cherche de plus en plus à améliorer ce qu’il met dans son assiette.

Acheter local, est-ce la solution pour lutter contre la crise du secteur des fruits et légumes ?

En signant des contrats d’approvisionnement avec des producteurs situés à moins de 50 km de nos entrepôts, nous essayons de conjuguer une production locale de qualité, l’emploi et la réduction des dépenses d’énergie liées au transport. 80 % à 90 % de nos fruits et légumes sont d’origine locale.

Nous sommes dans une démarche de relocalisation de la production. Ce n’est pas toujours simple : au moment des empoisonnements dus à la bactérie E.Coli, des grossistes de Rungis offraient pour huit palettes de tomates hollandaises un camion complet de concombres gratuits. Il y a de telles perturbations du marché qu’il faut vraiment avoir une détermination sans faille pour faire en sorte de ne pas céder aux sirènes de la facilité.

Jusqu’où ira la guerre des prix des fruits et légumes ?

Sur une filière de maraîchage, tout le monde doit pouvoir vivre dignement. Le consommateur doit aussi payer le prix le plus juste. Or aujourd’hui, les prix sont vraiment très bas. Si vous prenez un kg de courgettes (en pleine saison, ndlr), c’est un euro. Ce qui veut dire que la portion de 200 g, dans votre assiette, vous coûte 20 centimes. Rien à voir avec un plat cuisiné qui, lui, sera cher. Mais comme le pouvoir d’achat n’augmente pas, et qu’il y a de nouvelles dépenses – mobile, Internet, console de jeu – on veut que la bouffe soit de moins en moins chère. L’alimentation est devenue la variable d’ajustement.

L’agroalimentaire a basculé vers une production trop intensive, privilégiant parfois le prix au détriment de la santé. Si le prochain président de la République annonçait que les frais de santé n’étaient plus pris en charge mais que les achats alimentaires étaient remboursés, cela coûterait la même chose à l’Etat ! On est arrivé au bout de cette logique industrielle. La France ne pourra pas avoir un projet de développement durable si elle veut tout tirer vers le bas. Il lui faut conquérir un leadership sur la qualité, car sur le prix, elle ne l’aura jamais. On trouvera toujours un pays pour faire moins cher, donc moins bon.

Mais comment détourner les consommateurs des tomates espagnoles à 90 centimes le kg ?

L’état d’esprit de l’opinion change. Nous le voyons dans nos magasins. De plus en plus de gens sont prêts à téléphoner moins pour manger mieux. Le consommateur français a une exigence de qualité beaucoup plus élevée que son homologue espagnol ou allemand. Le patriotisme agricole est une voie payante, s’il est justifié : on pourra accepter de payer plus cher du porc français, par exemple, s’il est élevé dans des conditions respectueuses de son bien-être, et nourri avec du colza et du lin du pays, plutôt qu’avec du soja OGM du Brésil.

S’il n’y a pas de différence de qualité entre un porc breton et un porc espagnol, et que ce dernier est 20 % moins cher, pourquoi acheter le produit français ? Toutes ces questions doivent être abordées avec les producteurs. Cette stratégie de l’approvisionnement local, nos concurrents ne l’ont pas encore. Mais ils ont l’œil rivé sur ce que l’on fait. Et comme on a un temps d’avance, petit à petit, on est imité. —


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