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Chez Procter & Gamble, le futur, c’est pas pour demain
vendredi, 30 septembre 2011
/ Emmanuelle Vibert
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« Le Futur ensemble » : c’est la nouvelle estampille verte dont s’est affublé le groupe américain. Une autoproclamation écolo pour le moins prématurée et des conseils pas très révolutionnaires pour ce géant de la conso.
Le plus gros marchand du monde de biens de conso qui devient écolo, on a envie d’y croire, non ? « Procter & Gamble vous propose des produits plus écocitoyens mais tout aussi efficaces », lit-on sur le site futurefriendly.fr. Mais si, vous connaissez parfaitement Procter & Gamble (P&G). Cette monumentale entreprise mondiale détient plus de 80 marques dans le domaine des détergents, de la beauté et plus encore. Ariel, Bonux, Dash ou Gama au rayon lessive. Mr. Propre ou Febreze pour briquer la maison. Head & Shoulders, Fluocaril, Pampers ou Tampax dans votre salle de bain… En 2010, P&G pesait 78,9 milliards de dollars de chiffre d’affaires (57 milliards d’euros) et atteignait 4,2 milliards de consommateurs ! Qui vont tous devenir écolos ? Pas si vite, mamie !
Ajoutons qu’un partenariat est noué avec Eco-Emballages, pour rappeler les consignes de tri. Et qu’une pub télé où l’on voit un crayon vert dessiner une ampoule basse conso, des feuilles, un robinet, nous assène : « Découvrez l’initiative “ Le Futur ensemble ”. Des produits qui vous permettent d’économiser des ressources sans compromis sur le résultat. »
Quelles prouesses écolos accomplissent-ils ? La lessive Ariel vous permet de laver à froid (30° C) et sa formule est plus concentrée. L’adoucissant Lenor utilise 70 % d’emballages en moins. Grâce à Mr. Propre, vous pouvez laver à l’eau froide. Avec Gama et Dash 2 en 1, vous supprimez le prélavage. L’emballage du rasoir Gillette Fusion Proglide économise 75 % de plastique par rapport à la version précédente. Et la nouvelle version Activefit de Pampers utilise « 13 % de déchets solides en moins par rapport à la génération précédente ». Soit 7 produits très faiblement améliorés sur le plan écologique pour justifier une campagne de verdissement général.
P&G s’est par ailleurs engagé cette année-là, avec la caution du WWF, à remplir une série d’objectifs en dix ans : remplacer 25 % des produits à base de pétrole par des matériaux renouvelables, réduire de 20 % les emballages, alimenter les usines en énergie renouvelable à hauteur de 30 %, réduire de 20 % le transport par camion… Rendez-vous en 2020 pour le bilan réel.
Il sera peut-être temps alors de s’autodéclarer « future friendly ». En attendant, le slogan paraît franchement prématuré. « Surtout quand rien n’est dit sur les ingrédients composant les détergents et sur leur toxicité potentielle pour les milieux aquatiques », affirme Stéphanie Gentilhomme, cofondatrice de l’Association pour une communication plus responsable (voir encadré). « C’est de la mauvaise foi. On se croirait dans un couple où la femme se plaindrait du manque de participation du mari aux tâches ménagères, et à qui le mari répondrait : ‘‘ Mais chérie, je t’offre des fleurs tous les jours ’’. »
« Soyons honnête, confiait Loïc Tassel, vice-président de P&G France au magazine Challenges en janvier 2011, la question [de la préservation des ressources] s’est vraiment posée quand le baril de brut a atteint 150 dollars (109 euros) car la quasi-totalité de nos produits a une composante liée au pétrole. » L’objectif premier de P&G est de ne pas faire exploser son budget or noir. Dit comme ça, c’est tout de même plus clair. —