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Entre le Liban et Israël : de l’eau dans le gaz
vendredi, 22 juillet 2011 / Alice Bomboy /

Une enfance en pleine nature jurassienne, des études de biologie et de géologie, l’envie de transmettre cette passion pour le monde vivant, et le monde tout court, et un goût sans limite pour les nouvelles contrées. Alice est journaliste scientifique.

Depuis qu’un important gisement de gaz sous-marin a été mis au jour dans l’est de la Méditerranée, les deux pays rivaux se querellent sur leurs frontières maritimes. Enjeu : être le seul à tirer profit de cette ressource.

En décembre 2010, le plus important champ de gaz naturel de cette dernière décennie était découvert : quelque 450 milliards de mètres cube, d’après Noble Energy, la compagnie américaine chargée de la campagne d’exploration. A la clé, un marché de plus de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Nom de cet eldorado ? Leviathan, situé dans l’est de la mer Méditerranée, au large des côtes nord d’Israël. Quant à savoir à qui « appartient » ce gisement, c’est une autre histoire...

Une aubaine contre la dépendance énergétique d’Israël

Pour l’État hébreu, cette découverte est une aubaine : miné par les hostilités entretenues avec ses pays voisins et par les boycotts qui lui sont appliqués, le pays produit la plupart de son électricité à partir du charbon, très polluant, et reste très dépendant des importations pour ses besoins en gaz, notamment depuis l’Égypte. Il exploite également son propre gaz, tiré des fonds marins d’Ashdod, mais ce gisement devrait être à sec en 2012. Un autre champ sera alors exploité, celui de Tamar, au nord, découvert en 2009. C’est dans cette région que le nouveau gisement de Leviathan a aussi été mis au jour. La donne pourrait radicalement changer. « S’il agit de façon correcte et responsable, Israël peut profiter non seulement de l’avantage d’utiliser son propre gaz, mais il peut aussi se transformer en un fournisseur de gaz dans la région méditerranéenne », aurait déclaré Uzi Landau, le ministre des Infrastructures, d’après le New York Times.

Problème : son voisin libanais n’entend pas laisser son rival lui souffler cette ressource sans rien dire. Les deux États, qui n’entretiennent plus de relations diplomatiques, se disputent déjà leurs frontières territoriales sur le continent depuis plusieurs décennies. Ils pourraient bien étendre le conflit en mer. Premier acte de cette nouvelle passe d’armes : aux lendemains de l’annonce de la découverte par Noble Energy, fin 2010, le ministre des Affaires étrangères libanais, Ali Shami, avait pris les devants et envoyé un courrier au Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-Moon.

Dans celle-ci, il demandait à ce que les réserves de gaz naturelles de son pays soient protégées de l’exploitation israélienne. Une proposition de partage des eaux a également été soumise. Dimanche 10 juillet, l’affaire s’accélère : Israël adopte sa propre ligne frontalière maritime et s’apprête à la soumettre à son tour aux Nations unies dans les jours à venir. « Cette frontière délimitera l’aire dans laquelle les États bénéficieront de droits économiques exclusifs, incluant le droit d’exploiter les ressources naturelles de la mer », a expliqué à son cabinet le premier Ministre israélien Benjamin Netanyahu, rapporte le quotidien américain.

Conflit sur les lignes de frontières maritimes

Sans surprise, ces deux cartes ne se superposent pas : la mouture israélienne repousse la ligne précédemment proposée par Beyrouth. Et l’État hébreu a affirmé qu’il n’hésiterait pas à employer la force contre ceux qui l’empêcheraient d’exploiter ces ressources. De son côté, la branche armée du Hezbollah, un mouvement politique libanais, est d’ores et déjà suspectée de vouloir utiliser des missiles contre d’éventuelles futures plateformes maritimes israéliennes. Le Daily Star, un quotidien libanais, a cependant annoncé que la force intérimaire des Nations unies au Liban chercherait à créer une zone de sécurité maritime qui pourrait aider à éviter les conflits entre les deux pays.

C’est que l’enjeu est de taille : outre ces 450 milliards de mètres cube identifiés par Noble Energy, le United States Geological Survey, une agence scientifique américaine, a estimé l’an passé que plus de 3 400 milliards de mètres cube de réserves de gaz pourraient sommeiller sous les eaux de l’est de la Méditerranée... Dans ce contexte, les pays avoisinants (Israël, le Liban, mais aussi Chypre et la Syrie), pourraient envisager d’adopter la stratégie du « premier arrivé, premier servi », instaurant de facto leur propriété sur les fonds convoités. La partie est cependant loin d’être gagnée : si le droit international autorise l’exploration sur des territoires contestés, il ne permet pas l’exploitation de ressources. Les compagnies se risqueront-elles à investir dans une zone disputée ? Rien n’est moins sûr. Les environnementalistes pourraient aussi entrer dans la bataille : d’après le site Balkans.com, Chypre s’inquiète d’ores et déjà des retombées environnementales de la construction d’un futur pipe-line gazier israélien dans les eaux proches de ses côtes.