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Conditions de vie en prison : l’Etat récidive
mercredi, 20 juillet 2011 / Julia Pascual /

Journaliste indépendante. Collabore à Terra eco depuis novembre 2010.

L’État français vient d’être condamné pour les conditions indignes de détention dans ses prisons. « Une situation qui se multiplie », constate Étienne Noël, avocat pénaliste, devenu la bête noire de l’administration pénitentiaire.

Système de ventilation hors service, réduit des toilettes non cloisonné, absence d’eau chaude au lavabo, cellule de 9m2... Le 8 juillet, le tribunal administratif de Versailles condamnait l’État face à deux détenus des prisons de Nanterre (Hauts-de-Seine) et Bois d’Arcy (Yvelines). En juin, les condamnations pour conditions de détention indignes tombaient déjà, à Rouen et à Marseille. Derrière ces actions en justice, l’avocat Étienne Noël, également administrateur de la section française de l’Observatoire international des prisons (OIP).

Terra eco : Faut-il voir un hasard à la multiplication des condamnations ces dernières semaines ?

Etienne Noël : Non. J’ai commencé à accumuler les condamnations devant le tribunal administratif à partir de 2009, à Rouen. Ça a eu un effet multiplicateur. Les personnes se sont rendu compte qu’elles avaient des droits. Elles n’ont plus peur. Avant, elles s’imaginaient que si elles portaient plainte, il y aurait des représailles de la part de l’administration, ce qui est faux. Une barrière est tombée. Actuellement j’ai des procédures en cours dans une dizaine d’établissements en France, à Fresnes, à la Santé, à Tours, à Troyes, en Guadeloupe, à Évreux, à Amiens... Et je reçois quatre ou cinq courriers par jour de personnes détenues ou anciennement détenues qui ont tellement souffert qu’elles veulent obtenir l’indemnisation de leur préjudice moral.

Que dit le juge administratif en épinglant l’État ?

C’est véritablement un signal d’alarme. Depuis la fin des années 1990, le juge a développé une doctrine, protectrice de la personne détenue, qui prend systématiquement en compte la Convention européenne des droits de l’homme. Et le constat est unanime sur le fait que les personnes se trouvent, en prison, dans des conditions contraires à la dignité. On parle de cellules à plusieurs, de 9m2 ou 10m2, avec les toilettes dans un coin, sans aération spécifique, ni cloison. Ça génère une gêne épouvantable et c’est indigne, notamment sur le plan de l’hygiène.

Quels établissements sont concernés par cette absence de dignité ?

Toutes les maisons d’arrêt, qui sont toutes surpeuplées, les anciennes comme les récentes. Mais, même dans les maisons centrales, où les individus sont seuls dans leur cellule, les conditions sont indignes. Bref, ça concerne plusieurs dizaines de milliers de personnes, prévenues ou condamnées. Je ne suis pas prêt d’être au chômage.

Voyez-vous dans la fermeture des maisons vétustes et la construction de nouvelles prisons un élément susceptible d’améliorer la situation des détenus ?

Non, on continuera à entasser du monde dans les nouvelles prisons. Elles continueront de devenir des lieux aussi insupportables tant que la France continuera de privilégier l’incarcération au détriment des aménagements de peine et de la réinsertion. Le problème est qu’en ce moment, ce genre de postures ne passent pas politiquement.

- Pour aller plus loin : le blog d’Étienne Noël