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Dette américaine : « Il n’y a pas péril en la demeure »
mardi, 19 juillet 2011
/ Julia Pascual / Journaliste indépendante. Collabore à Terra eco depuis novembre 2010. |
Le 2 août prochain, les États-Unis auront atteint leur plafond légal d’endettement. Ils risquent, théoriquement, le défaut de paiement. Décryptage des enjeux avec deux économistes.
Eric Bryis est économiste à l’université des Antilles et de la Guyane. Norbert Gaillard est économiste, consultant pour la Banque mondiale et auteur de « Les agences de notation » (collection Repères). S’ils relativisent sérieusement le risque du défaut de paiement, ils soulignent les ressorts politiques de la situation américaine et décryptent la santé financière du pays.
Eric Bryis : Le débat qui se tient aujourd’hui c’est : ‘Est-ce qu’on autorise le gouvernement à dépasser ce plafond pour réemprunter, continuer de rembourser sa dette et payer ses intérêts ?’
Norbert Gaillard : Il y a dix ans, Georges W. Bush est arrivé à la Maison Blanche avec une situation financière assainie. Il y avait une dette publique mais grâce à l’excédent budgétaire, la tendance était au désendettement. Suite au 11 septembre, l’engagement militaire très fort en Irak et en Afghanistan a complètement plombé les finances publiques. En 2007, la crise des subprimes a éclaté et le retournement conjoncturel a creusé le déficit budgétaire. En 2008, la chute de Lehman Brothers et le lancement d’un grand plan de soutien de plus de 700 milliards de dollars (500 milliards d’euros) ont encore plus plombé les finances publiques. Ce qui donne à l’arrivée une explosion de l’endettement depuis dix ans.
Eric Bryis : Il ne faut pas oublier qu’on est dans une période électorale aux États-Unis, et les partis font feu de tout bois. Barack Obama a été élu sur la promesse d’une couverture médicale pour tous alors que les Républicains sont dans un tropisme inverse. Pour l’instant, Obama joue le contre la montre, il dit qu’il sera inflexible sur les réformes promises. J’ignore quelles cartes il a prévu de jouer. Mais je suis sûr que les négociations vont bon train. Car si les politiciens ne se mettaient pas d’accord, ça constituerait un vrai risque pour le pays.
Eric Bryis : S’il y avait un défaut de paiement sur ce qui est considéré comme la dette la plus sûre au monde, ce serait Armageddon. J’exclus ce risque car on imagine mal le premier État de la planète et ses partis politiques prendre le risque d’engendrer un tel cataclysme. Si la boussole américaine perd le nord, ce sont tous les navigateurs autour qui perdent le nord. Il peut y avoir des phénomènes de contagion, y compris de banques en banques.
Mais, même si le plafond de la dette est relevé, il y a un risque très élevé, d’ici cet hiver ou le printemps 2012, de dégradation d’un cran de la dette américaine, qui passerait de AAA à AA+. Je vois deux raisons à cela : l’explosion du niveau d’endettement depuis les années 2000 et l’absence de consensus entre Démocrates et Républicains, qui nourrit la défiance des marchés financiers. C’est vraiment gênant alors qu’un véritable plan d’économie de 4000 milliards de dollars (2800 milliards d’euros) sur dix ans est nécessaire. C’est considérable mais c’est tout à fait faisable. Ça demande des arbitrages majeurs et ce sont les élections de 2012 qui trancheront.
Norbert Gaillard : Il faut relativiser la situation des États-Unis. Le plafond crée épisodiquement une situation de stress financier. Mais le niveau d’endettement des États-Unis est, rapporté au PIB, proche de celui de la France. Il n’y a pas péril en la demeure. Et puis les États-Unis ont une réelle capacité à créer de la croissance, du dynamisme démographique, de l’innovation… A l’horizon de huit, dix ans, ils seront toujours sur une note AAA.