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Uranium en Afrique : il faut responsabiliser les compagnies minières
mercredi, 13 juillet 2011 / Agathe Mahuet

Sur le territoire africain, les activités d’extraction d’uranium sont lourdes de conséquences pour l’environnement et la population. Les compagnies minières installées au Niger, en Tanzanie ou au Malawi sont pointées du doigt par une ONG néerlandaise.

Malgré ses récents dérapages, l’activité nucléaire ne devrait pas cesser de sitôt. Avec elle, la demande en uranium ne finit plus de croître. Sur les terres africaines, riches de ce métal, les mines continuent donc de se développer. Fleur Scheele, chercheuse pour l’organisation néerlandaise WISE (World Information Service on Energy), s’est donc interrogée - dans un rapport - sur les pratiques des entreprises étrangères installées sur ces terrains miniers.

Terra eco : De quels moyens dispose-t-on pour contrôler la sécurité dans une mine d’uranium ?

Fleur Scheele : En principe, un seuil maximum d’exposition aux rayonnements ionisants est fixé. Par exemple, en Afrique comme partout dans le monde, l’entreprise Areva fixe une limite de 20 millisieverts (mSv) par an par travailleur. Mais parfois, les règles sont un peu « aménagées » : l’entreprise canadienne First Uranium autorise pour chacun de ses travailleurs un seuil de 100 mSv pour cinq ans – ce qui revient (en théorie) à 20 mSV par an. Dans les faits, il arrive qu’un mineur travaillant pour First Uranium atteigne le seuil de 100 mSV en seulement deux ans : il doit alors quitter l’entreprise, mais rien ne l’empêche de travailler ensuite pour une autre compagnie.

Si les entreprises étrangères ne sont pas rigoureuses sur ce point, quelle est la marge de manœuvre des Etats africains ?

Les gouvernements essaient de contrôler la sécurité dans les mines, mais souvent, ils ne savent pas faire, ou n’ont pas l’équipement pour. Lorsqu’elles s’installent en Afrique, les firmes étrangères ont de bonnes connaissances dans le domaine et promettent en plus beaucoup d’argent. Donc les Etats africains acceptent un peu à l’aveugle, parce qu’ils voient le bénéfice immédiat, mais il est ensuite compliqué d’influencer ces compagnies.

Vous expliquez aussi que la pollution liée à l’exploitation de l’uranium se poursuit même quand les mines sont abandonnées...

Lorsque les mines cessent d’être exploitées - au bout de 20 ou 30 ans - d’une part, la pollution continue et d’autre part, il faut réhabiliter les sites abandonnés, ce qui coûte extrêmement cher. Puisque les entreprises étrangères ont quitté la région, souvent, ces travaux de réhabilitation des mines ne sont pas réalisés, par manque d’argent. En Afrique du Sud par exemple, la région de Johannesburg et de Pretoria est restée très polluée, après une longue histoire minière.

Dans quels cas peut-on considérer qu’une compagnie minière se conduit de façon responsable ?

Lorsqu’elle fait preuve de transparence. Lors de mes recherches, j’ai contacté diverses compagnies installées en Afrique. Paladin Energy, une société anglo-australienne présente en Namibie et au Malawi, n’a pas souhaité répondre à mes requêtes. Ce n’est pas bon signe ! On sait qu’il y a eu des accidents dans une mine récemment ouverte par Paladin au Malawi, mais pas question d’en parler. Le directeur de la compagnie a même déclaré : « Si on part ouvrir des mines là-bas, les Africains savent bien que c’est pour les aider, financièrement notamment. Donc si on fait parfois quelques erreurs, ce n’est pas très grave. » Si cela n’est pas du néocolonialisme !

Que peut-on faire donc, pour améliorer ces situations ?

« Il faut fermer toutes les mines d’uranium installées en Afrique ! », aimerait-on répondre, en tant que militant anti-nucléaire. Mais en acceptant l’idée que cette production existe, il faut surtout faire en sorte que les entreprises soient plus transparentes. Si en Europe, on continue à importer de l’uranium depuis l’Afrique pour nos installations nucléaires, on doit pouvoir imposer aux entreprises de dire d’où vient leur uranium, et comment celui-ci est produit. Il faudrait imposer des conditions précises, des standards, à l’échelle européenne.