https://www.terraeco.net/spip.php?article18462
La défaite de Nicolas Hulot, la victoire de ses idées ?
dimanche, 10 juillet 2011 / Arnaud Gossement /

Avocat, spécialiste du droit de l’environnement.

Sauf surprise de dernière minute, Nicolas Hulot ne sera pas candidat à la présidentielle, ni au nom d’EELV, ni en son nom. Paradoxalement, la défaite du candidat pourrait signer la victoire de ses idées. Le point de vue d’Arnaud Gossement, avocat, Maître de conférences à Sciences Po et chroniqueur pour Terra Eco.

Si Nicolas Hulot s’est présenté à la primaire d’Europe Ecologie-Les Verts, il ne se présentera sans doute pas seul à l’élection présidentielle. Inutile de gloser sur les raisons de cet échec. Pour autant, la victoire d’Eva Joly ne signifie sans doute pas que l’écologie « de gauche » a gagné. En réalité, Eva Joly pourrait avoir tout intérêt à réussir une synthèse et porter demain les idées…portées hier par Nicolas Hulot. Certes, Eva Joly a représenté « l’écologie de gauche » lors de la primaire, alors que Nicolas Hulot défendait une écologie moins bipolarisée voire « de droite » pour ses détracteurs. Mais ce débat et ce clivage pourraient rapidement disparaître.

« Je symbolise l’ouverture »

Entre les deux tours de la primaire verte, Eva Joly a déjà pris soin de ne pas se laisser par avance enfermer dans la chapelle des « Verts historiques » en revendiquant le droit de rassembler la famille des écologistes et au-delà. Si l’orientation à gauche de sa campagne interne a permis de lever l’hypothèque Hulot, sa campagne externe ne sera pas nécessairement identique. Les deux phases ne présentent pas les mêmes enjeux. La première supposait de convaincre les militants d’un parti, la deuxième supposera de convaincre un maximum d’électeurs au-delà du parti.

Nicolas Hulot a d’ailleurs peut être commis une erreur en passant directement à la deuxième phase alors qu’il n’en était encore qu’à la première. En voulant s’adresser directement à tous les français, il a laissé le champ libre à Eva Joly pour labourer les terres du parti lui-même. Dans l’immédiat, et pour préserver l’unité d’Europe Ecologie Les Verts secouée par la séquence politique qui s’achève, Eva Joly devra donner des gages aux cadres, militants et coopérateurs qui ont adhéré à la démarche de Nicolas Hulot.

Après Hulot : Borloo ?

Après Nicolas Hulot, le prochain compétiteur d’Eva Joly pourrait s’appeler Jean-Louis Borloo. Nicolas Hulot lui-même avait rappelé ses affinités avec l’Homme du Grenelle que certains électeurs pourraient être tentés de choisir, de préférence à l’écologie du sceau d’épluchures qui a terminé sa course sur Nicolas Hulot à son arrivée au Conseil fédéral de Nantes. Après avoir convaincu à gauche, il va donc falloir convaincre au centre, ce centre justement où se gagne toujours une élection présidentielle.

Les écologistes du centre pourraient être d’autant plus sollicités qu’Eva Joly ne vient pas de l’extrême gauche mais du Modem et est entourée de plusieurs responsables « réalos » qui ont hier soutenu le processus du Grenelle et pourraient demain encourager une démarche d’ouverture au centre. Vis-à-vis du parti socialiste enfin, il serait au demeurant peu utile de tenter de concurrencer ou de s’assimiler aux « partenaires » à gauche de la gauche, comme Jean-Luc Mélenchon, sur leur propre territoire.

Les vacances de Monsieur Hulot ?

Nicolas Hulot devrait sans doute avoir du mal à soutenir avec entrain la campagne d’Eva Joly. Pour autant, il a démontré qu’il est possible de peser sur le débat public préalable à l’élection clé de la vie politique française, sans être candidat. L’auteur du Pacte écologique a su interpeller tous les candidats en 2007. Certes, il lui sera probablement difficile de renouveler cette opération en 2012. Ce faisant, Eva Joly ne sera pas confrontée à la même problématique que Dominique Voynet en 2007, alors que Nicolas Hulot focalisait l’attention et que les autres candidats recyclaient les idées vertes. Reste qu’il serait très imprudent de ne souhaiter que de bonnes vacances à Nicolas Hulot.

Autre paradoxe, il pourrait bien être un élément clé du vote écologiste, plus encore que s’il n’avait été candidat. Car il serait tout autant imprudent de jeter à la corbeille les sondages qui attestaient de sa popularité. Cette popularité atteste de son audience, non pas auprès des électeurs de la primaire verte mais auprès des électeurs de l’élection présidentielle. Cette popularité ne lui servait pas comme candidat mais lui servira comme soutien potentiel. Un soutien indispensable pour Eva Joly qui ne peut prendre le risque de le voir partir soutenir, même très indirectement, une autre écurie…du centre justement.

La stratégie de Nicolas Hulot – élargir l’audience verte – pourrait donc être essentielle pour Eva Joly. Il ne s’agit bien sûr que de l’un des défis que devra affronter l’ancienne magistrate. Consolider sa crédibilité sur les dossiers environnementaux ou développer un discours économique et fiscal convaincant et qui rassemble des sensibilités diverses sont au nombre de ces défis. Une chose est sûre, celui du risque du « repli sur soi ». En ce cas, le mouvement écologiste pourrait une fois de plus se fracasser sur l’écueil de la présidentielle.