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Réchauffement climatique : le chameau innocenté
lundi, 4 juillet 2011 / Agathe Mahuet

Le chameau sauvage d’Australie, coupable d’aggraver l’effet de serre ? Une « aberration scientifique », dénonce une équipe de scientifiques.

Dépassées par une population toujours grandissante de chameaux et de dromadaires, les autorités australiennes invoquent depuis quelques mois la lutte contre le réchauffement climatique pour se débarrasser de ces camélidés. Ces mammifères sauvages, installés dans la brousse, émettraient une quantité de méthane telle que le réchauffement de la planète s’en trouverait accéléré.

Pour les scientifiques de l’ISOCARD, une association internationale de chercheurs spécialisés en camélologie, cette explication est un non-sens scientifique. Selon eux, la quantité de gaz à effet de serre émise par ces bêtes sauvages et que le gouvernement australien pointe du doigt est en réalité à relativiser.

Difficile, d’une part, d’évaluer la valeur réelle de ces émissions, disent-ils, alors même que la population des prétendus coupables est quasi-impossible à recenser, puisque sauvage.

De même, ces chercheurs assurent que le métabolisme des camélidés est bien plus efficace que celui de la plupart des ruminants, puisque le dromadaire « est capable de produire 20 % de lait en plus, en mangeant 20 % d’aliments en moins » que les bovins. Les vastes zones arides qu’ils occupent, ajoutent-ils, sont les espaces où « les émissions de gaz à effet de serre sont les moins importantes sur Terre ».

L’ISOCARD regrette aussi que cette population soit prise pour cible alors qu’elle représente « moins de 1 % de la biomasse herbivore totale dans le monde ». De fait, désigner le chameau sauvage comme l’un des principaux coupables du réchauffement climatique serait une « aberration scientifique ».

Des années de chasse aux chameaux

Il faut dire que le gouvernement australien n’en est pas à sa première tentative pour se débarrasser de son million de camélidés sauvages. Jamais à court d’idées, Canberra a multiplié les mesures ces dernières années.

Depuis le XIXème siècle, date de leur introduction en Australie par des explorateurs désireux de fouiller le désert, les chameaux importés du Moyen-Orient s’en sont retournés dans le bush, délaissés par les hommes et leurs chemins de fer. Sans sérieux prédateurs, les camélidés se sont alors reproduits en masse, au point qu’ils menacent aujourd’hui cultures et populations, et pourraient rapidement ruiner l’écosystème.

Profitant d’un marché affaibli entre la corne de l’Afrique et le Moyen-Orient, le gouvernement australien a d’abord pensé refourguer ses camélidés à l’Égypte ou à l’Arabie saoudite, faisant emprunter aux chameaux le chemin inverse de celui parcouru deux siècles plus tôt.

Du chameau dans mon assiette

Depuis quelques années, des scientifiques australiens ont aussi pensé faire de ce mammifère, ainsi que du kangourou, un aliment de base, convaincus que la réduction des troupeaux de chameaux sauvages passait par leur apparition dans les bons restaurants. « Faites comme moi, aujourd’hui j’ai mangé du chameau », affirmait ainsi l’un de ces chercheurs pour amadouer ses concitoyens.

Visiblement, ces parades n’ont pas permis de réduire en conséquence le nombre de locataires non désirés des larges terres sauvages au centre du pays. Pire encore, les chameaux ont continué de se multiplier, devenant même dangereux pour les habitants de certains villages en bordure de brousse. Tuer pour sécuriser la population fut donc, en novembre 2009, l’ultime étape. Difficile de trouver meilleur argument.

Le prétexte du réchauffement climatique est pourtant une nouvelle occasion, pour le gouvernement australien, de faire campagne pour l’élimination de ses camélidés. Mais à l’ISOCARD, les scientifiques sont formels : si le problème est bien réel, la solution, elle, est inadaptée.