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Climat : Pourquoi la Pologne traîne des pieds
jeudi, 30 juin 2011 / Angela Bolis /

Journaliste

Varsovie prend la présidence de l’UE ce 1er juillet. Or, elle refuse de revoir à la hausse les objectifs européens et de muscler la lutte contre l’effet de serre. Risque-t-elle à elle seule de freiner l’ambition européenne ?

Trublion de l’Europe, la Pologne ? Le 22 juin, elle refusait de revoir à la hausse les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), actuellement de 15% d’ici à 2020 pour Varsovie et de 20% pour l’UE. Pas question donc de suivre les nouvelles ambitions de la Commission européenne, de 25% de réduction d’ici à 2020, 40% d’ici à 2030 et 80% d’ici à 2050, objectifs qui permettraient de limiter le réchauffement climatique à 2° C. Résultat : les négociations climatiques sont gelées. C’est fâcheux puisque la Pologne, en plus de prendre la présidence de l’UE ce 1er juillet, représentera l’Union lors du Sommet sur le climat organisé en fin d’année à Durban (Afrique du Sud). « C’est traditionnel, la Pologne se place une fois encore en tête de file des pays sceptiques de l’écologie européenne, » lance Damien Demailly, assistant parlementaire de Yannick Jadot (Europe Ecologie - Les Verts).

Côté polonais, il faut dire que cette subite hausse des ambitions environnementales a un peu agacé : « Je ne comprends pas de quoi on s’étonne, explique Barbara Nieciak, première conseillère à l’ambassade de Pologne à Paris. En 2008, on a dit oui aux objectifs de 20%. Ce n’est pas pour changer d’avis dans la précipitation. L’année dernière, la Commission européenne elle-même disait que les conditions n’étaient pas réunies pour revoir ces objectifs à la hausse… » « Cette décision a choqué les Polonais, renchérit Hania Gouttière, présidente de la Chambre de commerce et d’industrie polonaise en France. On n’attend même pas de connaître son impact sur les économies des Etats membres ! »

Justement, c’est bien cet impact économique, jugé négatif, qui inquiète la Pologne. L’argument varsovien : réduire les émissions de GES, c’est augmenter les coûts de l’énergie, et donc risquer de desserrer le tissu industriel européen. Au loin partiront les « Michelin ou Lafarge » qui officient (encore) en Pologne… Michèle Rivasi, elle, n’y croit pas : « Le problème est ailleurs, les délocalisations sont plutôt dues au coût de la main d’œuvre. En France, notre énergie est – artificiellement – moins chère avec le nucléaire, or ça n’a jamais empêché les délocalisations ! »

Le boulet énergétique

Mais il y a une autre raison à la réticence polonaise vis-à-vis des nouvelles ambitions européennes. En Pologne, pas loin de 50% des émissions de GES proviennent du secteur énergétique, explique Barbara Nieciak.

Une présidence pour l’indépendance énergétique

Les Polonais n’ont pas oublié cet épisode de crise. L’une des priorités affichées de la présidence : mieux armer l’Europe face au marché extérieur d’énergie. « L’union est essentiellement importatrice d’énergie. La Pologne voudrait que les Etats membres se coordonnent mieux dans les négociations sur le prix et l’approvisionnement, pour obtenir un rapport de force plus favorable par rapport aux fournisseurs, » explique Hania Gouttière. Par contre, pour tout ce qui est énergie renouvelable, repassez : « On ne proposera rien de plus, prévient la diplomate. L’heure est aujourd’hui à l’application des objectifs signés. »

Ainsi, l’environnement ne sera pas vraiment à l’ordre du jour. « Les Polonais voient les objectifs écologiques comme une contrainte qui les pénalise, au lieu d’une opportunité pour innover, conclut Michèle Rivasi. Ils veulent une présidence qui stimule le développement de leur propre pays, pour briller par rapport aux autres pays de l’Est… » De retour de son voyage, la députée a gardé une vive impression d’un système très hiérarchisé, où la parole n’est pas libérée : « Là-bas, aucun député ne posait de question ! »

Des différences de cultures et de rythme entre les Etats membres à prendre en considération dans les ambitions européennes. Reste à savoir si cette présidence polonaise sera, pour l’écologie de l’UE, « six mois pour rien, ou l’occasion de mettre la pression pour responsabiliser les pays à la traîne », s’interroge Damien Demailly. En attendant la présidence du Danemark qui, en 2012, pourrait bien remettre ces propositions sur le tapis.


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