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Du toc, les cercueils en carton ?
mercredi, 29 juin 2011 / Angela Bolis /

Journaliste

Réputés plus écolos, les cercueils en carton ne le sont pas forcément… et sont souvent refusés par les pompes funèbres.

« Mon cercueil m’est resté sur les bras, dit Annie Roussel, passablement en colère, depuis le club de tricot de sa maison de retraite. Il est livré, payé, mais personne ne veut le monter. Le vendeur m’a bien envoyé un CD de montage, mais je ne vais tout de même pas monter mon cercueil moi-même après ma mort ! Et surtout, les pompes funèbres le refusent. C’est une vraie arnaque. » Quand elle a acheté son cercueil en carton, Annie Roussel pensait pourtant s’offrir, pour son éternel séjour, une verte demeure. Mais elle a vite déchanté.

C’est que chez les pompes funèbres, la bière cartonnée n’a pas la cote. Pourtant, le matériau est parfaitement légal, et agréé par un décret de 1998 – date à laquelle ce type de cercueil existait à peine en France – qui précise l’allure du bio tombeau : « matériau complexe de papier » avec « cuvette intérieure étanche » et « encre à eau » obligatoires. A quoi s’ajoute, chez l’entreprise AB Crémation, de la colle d’amidon de pomme de terre et de maïs et un capitonnage de lin, ainsi que des dessins personnalisables de pavot ou de papillons noirs.

Brigitte Sabatier, fondatrice de l’entreprise, est sûre de son affaire. « Il y a une vraie demande, on est passé en France d’un enterrement à trente par mois. En Grande-Bretagne, ils vendent déjà 4 500 cercueils en carton chaque mois. Pourtant, en France, on nous dit que ça ne marche pas... Et les Pompes funèbres générales me les refusent systématiquement. » Pour elle, pas de doute : ses cercueils cartonnent de plus en plus, et feraient ombrage à la bonne vieille boîte en bois. Donc les entreprises funéraires veilleraient à ne pas se faire concurrencer. Et ne s’intéressent pas à des produits peu chers, sur lesquels ils feraient moins de marge. Sur le marché de la mort comme ailleurs, les petits calculs sont de mise.

Quand le cercueil s’ouvre

Le soupçon peut sembler fondé quand on sait que certaines sociétés proposent une gamme unique de cercueils pour éviter de vendre des produits moins intéressants financièrement, relève François Michaud-Nérard, directeur des Services funéraires – Ville de Paris. Néanmoins, chez les acteurs du secteur, la réponse est unanime : même pas peur des cercueils en carton. « Ils ne sont pas plus compétitifs : nos cercueils premiers prix sont également à moins de 500 € », affirme Jean Ruellan, du groupe Pompes funèbres générales (OGF-PFG), numéro un de la fabrication de cercueils en bois en Europe.

Mais ce n’est pas tout : le cercueil en carton présenterait de petits problèmes techniques. Ainsi, le Groupement des entreprises funéraires de France (Geff) : « On a eu des échos d’incidents, comme des écoulements lors de cérémonies, ou des cercueils qui s’éventrent. » Charmant. Côté Pompes funèbres générales, on déplore l’encrassement des filtres des crématoriums par les particules volantes de carton. Plus grave : « Le cercueil peut s’enflammer immédiatement, au lieu d’attendre les 20 secondes règlementaires après introduction dans le four. Ça pose des problèmes de sécurité pour le personnel », explique Jean Ruellan. « Et parfois, le cercueil s’ouvre avant d’être totalement dans le four… Quand ce n’est pas le bras automatique, censé l’y introduire, qui passe à travers », renchérit François Michaud-Nérard.

Cerise sur le gâteau, le souci serait aussi écologique : le bois, en brûlant, participe à la crémation. Tandis que le carton part immédiatement en fumée, et oblige donc à injecter plus de gaz – une énergie non-renouvelable – pour réduire le corps en cendre.

Toutefois, l’avenir de ce cercueil n’est pas mort. Un nouveau matériau cartonné, plus adapté, devrait prochainement voir le jour, assure François Michaud-Nérard. Et encore faudrait-il bien l’utiliser, conclut-il. Car ce choix est généralement proposé pour la crémation – un marché en plein boom, qui séduit aujourd’hui 30% des Français contre 1% en 1979 -, alors que son usage est bien plus adapté à l’inhumation selon lui. « Surtout pour les croyants juifs et musulmans, pour qui la dégradation rapide du cercueil a son importance : il s’agit de retourner au plus vite à la terre. »