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Ecologie : faut-il parier sur les stars ?
mercredi, 29 juin 2011
/ Laure Noualhat / Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet. |
Hypocrisie générale ? Pas en avant salutaire ? Doit-on se réjouir quand les people passent au vert ?
« Le réchauffement planétaire s’intensifie, alors c’est maintenant qu’il faut s’impliquer. C’est très bien vu de le faire tout de suite. » En 2009, le film Brüno de Sacha Baron Cohen met en scène une star de la mode autrichienne en quête de « grande cause » à défendre. Le Darfour ? Déjà pris par George Clooney. Le sida ? C’est Bono. Le changement climatique ? Tout le monde s’y met. Du coup, Brüno se branche sur le Moyen-Orient. La scène dure deux minutes mais elle en dit long sur les combats des VIP. Or, aujourd’hui, la cause du changement climatique cartonne au box-office. En témoigne la mobilisation lors du Sommet onusien de Copenhague en 2009 où s’enchaînaient chansons et prises de parole définitives.
Et ça marche ? Quel est l’impact d’une star sur le comportement de ses fans ? Ou sur les ventes du produit eco-friendly qu’elle utilise ? « Impossible à mesurer », assure Jean-Marc Lehu, professeur de communication à la Sorbonne. Côté marques, en tout cas, on se frotte les mains. Ainsi, Toyota quand elle a sorti la Prius au début des années 2000. C’était la première hybride au monde et bien que particulièrement moche, elle est instantanément devenue la voiture au volant de laquelle il fallait arpenter Hollywood Boulevard.
En France, la marque n’a guère eu besoin de faire de pub : elle a simplement arrosé des « grands ambassadeurs », offrant quelques voitures à Marion Cotillard, Guillaume Canet ou Thierry Lhermitte. Sans oublier les scientifiques (Joël de Rosnay, Pierre-Gilles de Gennes), les sportifs (Alain Bernard) ou les VIP de l’écologie (Yann Arthus-Bertrand).
Mais revenons à la question : une star bio, n’est-ce pas un oxymore ? Serait-on en pleine dissonance cognitive, comme dirait l’autre ? « Leur métier, c’est de feindre. C’est tout », rappelle Jean-Marc Lehu. « Quels que soient les efforts qu’ils font, vous aurez toujours un doute. » Souvenez-vous, à la fin des années 1990, les mannequins stars posaient dans le plus simple appareil pour l’association de défense des animaux PETA et contre le port de fourrure. Dix ans plus tard, les mêmes tops participaient à un shooting pour la marque de vison Blackglama !
« En s’engageant, la star a-t-elle changé ses process ? Dans une scène, un acteur a-t-il prescrit un écogeste ? En gros, il faudrait labelliser les people, entre people écolo et people pipeau ! », s’amuse Alice Audouin, spécialiste du développement durable chez Havas. Chiche ? A quand la police des « green people » ? Elle aurait fort à faire. Cas d’école, les Trophées de l’écologie, organisés en juin à Paris. Sponsorisé par des limousines, l’événement ressemble à un monstre de greenwashing propre à semer la confusion dans les esprits. On y trouve le patron du WWF, la navigatrice Maud Fontenoy ou l’animateur Stéphane Bern, et on y récompense l’audacieux concept d’« écologie plaisir ».
« C’est difficile pour les stars, assure Sébastien Kopp, cofondateur des baskets bio Veja. Elles évoluent dans un système où tout est à portée de main. Les marques leur offrent sans cesse des produits dont elles doivent changer tous les jours. » Prisonnières des flux d’informations, elles ne sont plus autorisées à briser l’image qu’elles ont créée. « Etre people aujourd’hui, c’est une astreinte, il faut être raccord 24 heures sur 24 », précise Jean-Marc Lehu.
« Je crois à leur capacité de prescription quand ils sont sur le terrain », précise Alice Audouin. « Surfeurs, alpinistes, navigateurs : ils sont témoins de la modification du climat et de la dégradation de la nature. C’est en cela qu’ils apparaissent sincères. Quand leur notoriété leur permet d’être légitimement entendus. » Pour la spécialiste de la com, la cohérence, c’est autre chose : « La plus grande star peut avoir 200 paires de pompes et vouloir lutter contre la pauvreté dans le monde. »
« Ce qui est intéressant, c’est l’évolution, assure Sébastien Kopp. Il y a quinze ans Schwarzenegger roulait en Hummer, aujourd’hui, il le fait en hybride. Dans le fond, cela raconte bien l’évolution de la société. » Ce que ces VIP apportent, avant toute chose, c’est la dissémination du dossier dans la sphère publique. La preuve, on en parle. —