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Quand les people nous inspirent
mercredi, 29 juin 2011 / Walter Bouvais /

Cofondateur et directeur de la publication du magazine Terra eco et du quotidien électronique Terraeco.net

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Des « people » pour sauver l’humanité ? Et puis quoi encore ? A l’heure où Stéphane Hessel rallume la flamme de l’indignation ordinaire, en petit format et gros tirage, on oserait prendre au sérieux les gesticulations humanitaro-écologiques de vedettes planétaires ? Les voit-on seulement esquisser leurs sauts de cabri, d’un plateau de télévision à un jet privé, des villas de Hollywood aux… tentes d’un camp de réfugiés ? Comment juger crédibles des people capables, la même semaine, de poser pour une marque de téléphone portable et de visiter un camp de Soudanais aux côtés des équipes du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés ? L’idée que des stars contribueraient à sensibiliser l’opinion à des causes justes est juste illusoire.

Vedettes schizophrènes

Sauf que… Tout est question de point de vue. Prenons le « cas » Al Gore. Les persifleurs se font un plaisir de brandir la facture d’électricité de sa résidence de Nashville, fût-elle affublée de panneaux photovoltaïques et d’équipements géothermiques, ou de sa villa de la côte californienne, acquise pour 8,8 millions de dollars (6 millions d’euros). Ils ne veulent voir en l’« ex-futur président des Etats-Unis » qu’un politique diaphane, reconverti en homme d’affaires avisé sur le dos des ours polaires. Mais qu’est-ce qui compte en définitive ? La schizophrénie manifeste dont témoigne la trajectoire publique de l’homme ? Ou bien l’énergie qu’il a déployée à sensibiliser le grand public au phénomène du changement climatique, incognito pendant des années, puis sous les projecteurs depuis le succès planétaire de son documentaire Une vérité qui dérange ? L’important n’est-il pas l’électrochoc qu’il a, ainsi, largement contribué à provoquer ?

Certes, la popularité d’Al Gore n’a pas suffi à éviter l’échec du Sommet de Copenhague, en décembre 2009. Pas plus que celle du comédien Leonardo DiCaprio ou de Thom Yorke, le leader du groupe Radiohead, tous engagés pour l’avenir de l’humanité. Bien sûr, on peut regretter que le grand public ait « besoin » de ces porte-voix pour se secouer. Mais le fait qu’une célébrité offre, d’une certaine manière, la possibilité à la société civile de court-circuiter les canaux habituels de la diplomatie est plutôt savoureux. Le chanteur Bono, sur le front de la dette des pays du Sud, le comédien Sean Penn, dont l’engagement en Haïti est une leçon pour des générations d’apprentis-sauveurs-de-la-planète, montrent que l’on peut ruisseler de gloire et aspirer, authentiquement, à creuser son sillon au service d’une utopie. Quelles que soient leurs intentions, on pardonnerait volontiers à ces vedettes schizophrènes plutôt qu’à certains bateleurs d’estrade qui ont depuis longtemps perdu tout contact avec la réalité. —