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« Les plans du FMI entraînent une régression économique »
mardi, 14 juin 2011 / Julia Pascual /

Journaliste indépendante. Collabore à Terra eco depuis novembre 2010.

Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac et candidate malheureuse à la direction du FMI, revient sur sa démarche, prétexte à une critique de l’institution.

Co-présidente de l’association altermondialiste Attac France, économiste et ingénieur agronome, Aurélie Trouvé a présenté, en vain, sa candidature pour remplacer Dominique Strauss-Kahn à la direction du Fonds monétaire international.

Terra eco : Deux candidatures sont finalement examinées pour prendre la direction du FMI, celle de Christine Lagarde et celle du Mexicain Agustín Carstens. Pourquoi la vôtre n’avait-elle aucune chance d’aboutir ?

Aurélie Trouvé : Il fallait que ma candidature soit appuyée par un gouverneur ou un administrateur du FMI. Or, le gouverneur de la France n’était autre que Christine Lagarde, qui a donc auto-présenté sa candidature. Nous nous sommes adressés à d’autres pays, sans succès, malgré des soutiens dans l’entourage des gouvernements de Bolivie ou d’Équateur. Nous avions surtout comme ambition de dénoncer la politique libérale du FMI et de faire entendre un autre discours que celui sans cesse assené sur la nécessité de subir des plans d’austérité. Les gens en ont marre de devoir payer la crise à la place de la finance. Mais ma candidature s’est faite dans l’urgence et il faut dire que nous n’avons pas les mêmes moyens que Christine Lagarde, dont la campagne est financée par le contribuable.

Vous dénoncez le mode de désignation du directeur général du FMI...

Que ce soit pour la désignation de son directeur ou pour l’ensemble de sa politique, le FMI fonctionne sur le principe d’un dollar égal une voix. Ce sont les plus gros contributeurs au budget du FMI, donc les pays les plus riches, qui décident. Les Etats-Unis et l’Europe détiennent à eux seuls quasiment 50% des droits de vote. C’est pour ça que les choses se font en leur faveur et, par exemple, qu’on ne demande rien aux Etats-Unis alors qu’ils ont une dette phénoménale, bien plus importante que la Grèce ou le Portugal.

Le FMI n’a-t-il pas un rôle à jouer pour résorber la crise ?

Il est redevenu un pilier de la gouvernance internationale. Mais il a imposé des plans d’austérité très injustes à la Lettonie, l’Ukraine, la Grèce, le Portugal, l’Irlande. Et, surtout, très inefficaces.

Pourquoi ?

Parce que ces plans entraînent une régression économique. En Grèce par exemple, en diminuant les salaires, les retraites, les minimas sociaux et en privatisant les services publics, on diminue le pouvoir d’achat des classes moyennes et précaires et leur capacité à payer de l’impôt. Du coup, cela entraîne une baisse de la consommation et des recettes publiques. Les plans d’austérité sont en fait un transfert de richesses depuis les salariés, les chômeurs, les retraités, vers les grands détenteurs de capitaux. Les créanciers font de plus en plus de profits sur la dette publique.

Dominique Strauss-Kahn, Christine Lagarde ou Agustín Carstens, est-ce que ça fait, pour vous, une différence ?

Non, pas vraiment. DSK a mis en place des politiques d’austérité drastiques en Europe alors qu’il est censé être socialiste. Aujourd’hui, on est face à deux candidatures très semblables, formatées par l’école libérale. De toute façon, il ne suffit pas d’avoir une candidature alternative ou un poids plus important des pays émergents au sein du FMI pour changer de politique. Il faudrait réformer le fonctionnement de l’institution. Par exemple que chaque pays membre ait droit à une voix. Or, pour ce genre de décision, il faut une majorité de 85%, mais les Etats-Unis ont à eux seuls 16,78% de voix, une minorité de blocage. C’est impossible.