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Aide au développement : la France de mauvaise foi
jeudi, 19 mai 2011
/ Julia Pascual / Journaliste indépendante. Collabore à Terra eco depuis novembre 2010. |
Alors qu’elle assure la présidence du G8, la France a présenté des chiffres sur l’aide publique au développement et laissé croire que les pays riches avaient tenu leurs engagements. Un satisfecit possible... au prix d’une interprétation tronquée.
La France est-elle de mauvaise foi ? Alors qu’elle assure cette année la présidence du G8 - ce groupe de pays parmi les plus puissants du globe (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada et Russie) - la France a présenté ce mardi un rapport sur l’aide publique au développement (APD). Un texte qui a fait bondir des ONG. A travers ce document et par la voix du ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt, le G8 dresse un bilan des engagements pris lors du sommet de Gleneagles (Ecosse), en 2005.
A l’époque, le « groupe des huit » promet d’améliorer de 50 milliards de dollars (35 milliards d’euros), et d’ici à la fin de l’année 2010, l’enveloppe mondiale d’aide dédiée aux pays en développement. Aujourd’hui, il « se félicite de la forte augmentation de l’APD depuis 2004 », qui a bondi de « plus de 48 milliards de dollars ». Il ne manque « que » 1,27 milliard de dollars, ajoute-t-il.
Henri de Raincourt, visiblement irrité par la levée de boucliers, persiste et signe. Dans un communiqué publié ce mercredi, il déclare : « Une augmentation de 61% de l’aide des pays donateurs de 2004 à 2010 (+ 49 milliards de dollars sur un objectif de + 50 milliards de dollars), (…) me paraît être un résultat remarquable. » Pour légitimer le choix des chiffres, le ministre souligne que le rapport à été élaboré par « l’ensemble des équipes de l’OCDE et du G8 ».
Contactée, l’OCDE prend toutefois ses distances avec ses dires. La présentation des chiffres relève de « la décision du G8 », souligne Stephen Greff, à la direction de développement et de coopération de l’OCDE. Avant d’abonder dans le sens des ONG : « La méthode la plus juste pour évaluer les engagements du G8 est de les présenter en dollars constants. C’est ce que l’on recommande au G8 et c’est ce que l’on fait tous les ans dans nos communiqués ».
D’ores et déjà, les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) sont compromis. Réduire l’extrême pauvreté et la faim, assurer l’éducation pour tous, combattre le sida... Car fixés pour 2015, ceux-ci s’appuient notamment sur l’aide au développement. Les OMD « sont en grande partie inatteignables », avertit Sebastien Fourmy d’Oxfam France. Un avis partagé par l’OCDE qui, en avril, s’est aussi inquiétée du fait qu’un « certain nombre de donneurs n’[étaient] pas en bonne voie pour réaliser [ces] objectifs ».
En refusant de reconnaître que ses promesses n’ont pas été tenues, le G8 se « dédouane » de sa responsabilité, croit Guillaume Grosso. « C’est très grave. On rate une occasion de corriger les échecs et de tracer un chemin vers 2015 ». En effet, rien ne laisse présager que le sommet de Deauville sera l’occasion de mettre au point une nouvelle feuille de route. Au contraire, la crise financière a hypothéqué la croissance de l’APD tandis que les pays du G8 s’étaient engagés à porter son poids à 0,7% de leur Revenu national brut (RNB) d’ici 2015 (contre 0,31% en moyenne en 2009). « La France a gelé le budget de l’aide jusqu’en 2014 », regrette Guillaume Grosso. Espagne, Allemagne, Etats-Unis... d’autres Etats ont fait ce même choix. « L’aide [de la plupart des donneurs] progressera de 2% par an entre 2011 et 2013, anticipe l’OCDE. Contre 8% par an en moyenne au cours des trois dernières années ». Pis, l’aide à l’Afrique devrait augmenter de « seulement 1% par an, dit l’OCDE. A ce rythme, toute aide supplémentaire versée aux pays africains augmentera moins vite que la population. »
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