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Contre le sordide, l’esprit de résistance
mardi, 17 mai 2011 / Flore Vasseur /

Entrepreneur, chroniqueuse sur France Culture, Flore Vasseur est aussi documentariste et romancière. Elle est notamment l’auteur du roman « Comment j’ai liquidé le siècle », une charge féroce contre l’oligarchie politico-financière.

Billet d’humeur - Entre le corps jamais montré de Ben Laden et DSK, le regard furieux et les mains menottées, l’information est officiellement devenue un divertissement, selon Flore Vasseur, chroniqueuse pour Terra eco.

Difficile de ne pas parler de cet autre festival de Kahn qui tient la planète et la finance en alerte. Difficile de résister à cette information quand l’intrigue semble tout droit sortie d’une série B ou d’un mauvais film porno, quand le protagoniste principal choisit d’être défendu par l’avocat de Michael Jackson et quand la victime supposée est emblématique de l’Amérique qui se lève super tôt. Dans cette saga « DSK contre la femme de chambre », pendant symbolique à la saga « la finance contre les invisibles », devant la chute de notre ex-futur président, difficile de ne pas penser à la réaction d’effroi de nos élites politiques : un homme vient de mordre la poussière. Et maintenant, à qui le tour ?

En voyant tout ce cirque chroniqué à la seconde sur Twitter, difficile de ne pas penser à cette phrase de David Lynch : « Le monde est cruel à l’intérieur et cinglé en surface » à moins que cela ne soit l’inverse. Mais pourquoi au juste ? Comment en sommes-nous arrivés là, c’est-à-dire si bas, si loin dans le sordide, eux dans l’écran, nous obnubilés par l’écran ? Et comment on en sort ? Il faudrait peut être commencer par regarder ailleurs…

Il y avait par exemple ce week end un autre évènement qui lui, faute de caméras, est passé à la trappe. En lieu et place d’une suite de grand hôtel, il y avait un plateau de conifères, des crocus et des cailloux. En lieu et place des sirènes de Midtown, il y avait la pluie qui glace, la mémoire lourde et un podium face à la montagne. En lieu et place de New York, New York, il y avait… Thorens-Glières, Haute Savoie. En lieu et place des tout puissants qui ne maîtrisent plus grand chose, il y avait les derniers résistants - réunis autour de Stéphane Hessel, star du jour, mais pas que – ces résistants qui ont tenté de faire tout basculer, en 1944. Comme sur ce plateau des Glières. En lieu et place de l’argent qui rend fou, il y avait une certaine rage : l’esprit de résistance partagé par plusieurs milliers de personnes.

C’est bien cet esprit de résistance que l’association « Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui » veut défendre en organisant depuis quatre ans, ce rassemblement annuel. Contre Nicolas Sarkozy d’abord, qui a tenté en 2007 de récupérer cette mémoire de la Résistance à des fins électoralistes. Dans l’entre deux tours en 2007, il était venu sur le plateau des Glières dérouler quelques pas très télégéniques ; depuis il fait son pèlerinage annuel, jamais à la même date mais toujours accompagné d’une caméra.

Esprit de résistance ensuite contre la « dégradation délétère des institutions mises en place à la Libération ». Ce week end, les « Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui » ont d’ailleurs lancé « l’appel aux jeunes générations pour définir un nouveau programme de résistance ». Dans la pollution sonore qui a entouré ce week end, il y a peu de chance qu’il ait été entendu. Dans quelques mois un éditeur en fera peut être un best-seller à 3 euros – le « Indignez-vous » de Stéphane Hessel est issu d’un discours prononcé aux Glières en 2008.

L’appel plaide pour la sortie de notre régime présidentiel personnalisé. Il demande aussi « la garantie de la qualité du débat démocratique et la fiabilité des contre pouvoirs, en assurant la séparation des médias et des puissances de l’argent, comme en 1944 ». Il milite pour une « véritable démocratie sociale et économique, impliquant », nous y sommes, « l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ».

« Résister, c’est créer et créer c’est résister », conclut l’appel mais voilà, d’après Didier Magnin, président de l’association : « résister ne suffira pas à construire un avenir meilleur. Il faut aussi parler du bonheur et le revendiquer pour tous » . Et ça, le bonheur comme ciment sincère du vivre ensemble, quand vous y pensez vraiment, ce n’est pas du divertissement.

Ce texte est la retranscription d’une chronique diffusée sur France Culture le 17 mai.

Pour aller plus loin :


- Le site de l’association : citoyens-resistants.fr
- L’appel du 14 mai 2011 : le texte