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Immobilier : attention chutes de pierres (suite)
jeudi, 24 novembre 2005
/ Cire
,
/ Aurelio Garcia
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La crise est d’autant plus violente qu’elle fait suite à une période d’emballement exceptionnelle. On construit 3 fois plus de bureaux en 1988 (6,4 millions de m2) qu’en 1984. L’apogée est atteinte en 1991 (7,8 millions de m2), avant que la dégringolade ne s’amorce [1].
Un tel engouement s’enracine dans le mouvement de tertiarisation de l’économie entamé dans les années 70", souligne Antoine Bary, directeur régional de l’Ouest parisien chez Atisreal-Auguste Thouard. En d’autres termes, finies les usines, bonjour les bureaux. Mais les nouveaux besoins des entreprises et la croissance économique de la deuxième moitié des années 80 (l’immobilier de bureau est par nature hypersensible aux cycles économiques) n’expliquent pas tout. "Dans les années 80, les investisseurs japonais ont les premiers massivement spéculé sur les bureaux parisiens", observe Jean-Jacques Granelle, économiste spécialiste de l’immobilier, professeur à l’université Paris-XII à Créteil. Suivis dans la foulée par leurs homologues français. "La hausse excessive des prix à cette époque était en grande partie liée à une spéculation effrénée", confirme Antoine Bary.
La presse s’en donne à cour joie. Pas une semaine sans l’écho d’une faillite de promoteur ou de marchand de bien, d’une mise en examen ou de pertes d’un établissement financier. La banque Worms, filiale à 100% de l’assureur UAP (absorbé par Axa en 1996), annonce fin mars une perte de 179 millions de francs contre un bénéfice de 192 millions en 1990. La faute à ses 6,5 milliards de francs d’engagements dans l’immobilier et à la spirale inflationniste entretenue tout au long des vertes années.
Du coup, les règles élémentaires de prudence passent à la trappe. Débrouillard, un particulier peut décrocher un prêt sans verser d’apport personnel. Certains établissements offrent même des crédits portant sur plus de 100% de l’opération, y compris le paiement des intérêts jusqu’à la vente du programme ! Les banques avaient-elles le choix ? En libéralisant les marchés, Edouard Balladur, premier ministre entre 1986 et 1988, offre un bol d’oxygène aux entreprises mais asphyxie le secteur bancaire. Les premières ne sont plus obligées de se financer auprès des banques et peuvent le faire directement en bourse. C’est ce qu’on appelle la "désintermédiation".
Privées de leurs clients naturels, les banques voient le plancher s’écrouler sous leurs pieds, et leurs marges divisées par deux en dix ans. De quoi expliquer une certaine nervosité. "On a vu, se souvient un investisseur institutionnel, un marchand de biens acheter 300 millions un immeuble évalué à 250 avec un chèque de banque avancé à 100% sans aucune caution" (3).
Mai 1993. Marasme. Le chômage gonfle et repasse la barre des 11%. Marchands de bien, promoteurs, banques, particuliers, tous perdants. Au total, les banques ont distribué entre 300 et 500 milliards de francs de crédits. En tête du palmarès, sans surprise, le Crédit lyonnais, fort de 43 milliards d’engagements à lui tout seul. La colonne des pertes affiche 150 milliards de francs. Une estimation des sommes prêtées et envolées dans la nature. Alors les banques serrent la vis et coupent le robinet du prêt. Tant pis pour les chômeurs et les salariés à bas revenu.
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