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Fin des quotas : quel avenir pour la brique de lait ?
vendredi, 6 mai 2011
/ Pauline Rey-Brahmi / Journaliste stagiaire à la rédaction de Terra eco |
En 2015, les quotas laitiers en Europe auront disparu. Ce tournant marquera la fin des soutiens à l’un des secteurs les plus régulés de l’agriculture. Décryptage en 5 points.
Pourquoi l’arrêt des quotas ?
Les quotas ont été mis en place en 1984 quand le lait et le beurre coulaient à flot. Leur mise en place avait pour objectif de réguler la production et de diminuer les dépenses publiques, les Etats rachetant en effet les surplus aux agriculteurs. Le principe ? Chaque pays, via ses producteurs, devait donc verser une taxe en cas de surproduction. Et ça a marché ! Aujourd’hui, la politique laitière ne représente plus que 6% du budget de la Politique agricole commune (PAC), alors qu’elle en concentrait près d’un tiers au milieu des années 80.
Alors pourquoi les arrêter ? Vincent Chatellier, économiste à l’Institut national de la recherche agronomique de Nantes (INRA), avance plusieurs raisons. Parmi elles, une demande mondiale en augmentation constante : + 12 milliards de litres par an (soit la production des seuls Pays-Bas) dont les deux tiers destinés au marché asiatique. Les pays européens y voient donc une opportunité à saisir, aujourd’hui bridée par les quotas. Pour les économistes, la productivité aussi serait mise à mal par le maintien de ces plafonds de production. Or, produire plus permettrait aux agriculteurs de réduire leurs coûts et de faire baisser le prix de la brique de lait en bout de chaîne.
Et après 2015 ? « Dans l’immédiat, après la fin des quotas, rien ne va changer. Les industriels ne vont pas délocaliser leurs usines dans des zones à forte production », répond le chercheur. Mais il y a fort à parier que les disparités locales s’accentueront. « On va tout concentrer dans le Grand Ouest et en Normandie », regrette Yves Sauvaget, éleveur dans la Manche et responsable de la commission lait de la Confédération paysanne. Va-t-on aussi boire plus de lait allemand ? Pour Thierry Roquefeuil, secrétaire général de la Fédération Nationale des Producteurs de Lait (FNPL) et éleveur dans le Lot, « il existe une velléité des entreprises allemandes à venir prendre des parts de marché en France et les entreprises françaises risquent d’en pâtir ».
L’enjeu environnemental va être très largement discuté lors de la réforme de la PAC. « Il n’est pas normal que les règles ne soient pas les mêmes pour tout le monde que cela soit au niveau environnemental ou social », explique Thierry Roquefeuil. Pour Vincent Chatellier, « il sera dur de rétablir une égalité a posteriori sur la directive nitrate mais les obligations environnementales pourraient prendre d’autres formes ». Yves Sauvaget, lui, ne croit pas à une volonté forte de la part des pouvoirs publics de mettre un frein aux gros élevages. « Quand on voit que notre ministre lance des mesures sur la méthanisation (un procédé utilisé pour traiter les déchets organiques et fournir de l’énergie, Ndlr) favorisant les grosses exploitations, je ne pense pas que l’on parle des mêmes mesures environnementales. »
Finalement, au-delà des futures mesures prises par l’Europe et les Etats, reste une inconnue : le consommateur. Il a aussi son rôle à jouer. Va-t-il privilégier le lait le moins cher ? Tiendra-t-il compte des conditions environnementales et de travail des agriculteurs pour faire son choix ? Va-t-il accepter de payer plus cher son lait pour maintenir l’élevage en montagne ? « La PAC n’est pas qu’une politique pour les agriculteurs. Ses répercussions touchent tout le monde », insiste Yves Sauvaget.
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