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La France va-t-elle accueillir des étrangers chassés de Libye ?
jeudi, 31 mars 2011
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Déjà réfugiés dans le pays de Kadhafi, ces travailleurs migrants reprennent leur exode pour fuir les persécutions et les combats. Mais, où trouveront-ils asile ? Malgré un programme spécifique des Nations unies, les Etats européens sollicités sont souvent timides.
Ils sont Erythréens, Ethiopiens, Soudanais ou encore Somaliens, venus d’une Libye en guerre. 830 hommes et femmes qui ont posé le pied en Italie et doivent être envoyés vers des centres d’accueil. Faute de mieux. Déjà débordé par l’afflux de migrants tunisiens, Rome demande de l’aide. Qui pourra accueillir ces hommes et ces femmes ? Et les milliers d’autres encore piégés en Libye ? « Chaque jour, nous recevons des coups de fil alarmants, essentiellement de Somaliens et d’Erythréens. Ils disent qu’ils sont chassés, piégés et qu’ils manquent de nourriture. Ces populations sont confondues avec des mercenaires engagés par Kadhafi ou sont considérées comme de possibles candidats au recrutement. Ils sont dans une position très vulnérable », racontait, la semaine passée, Sybella Wilkes, porte-parole du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), à Terra Eco. Or, parce qu’ils ont déjà fui la persécution dans leur pays, ces migrants ne peuvent être renvoyés chez eux.
Toutefois existe un programme, coordonné par les Nations Unies, qui leur est spécialement destiné : la réinstallation dans un pays tiers. En clair, une relocalisation, ni dans leur nation d’origine, ni dans leur premier pays d’asile. En plein conflit libyen, le UNHCR gratte aux portes des nations. « Nous essayons de voir avec les différents pays », confie, laconique, William Spindler, porte-parole du UNHCR à Paris. « Il faut respecter notre devoir de protection des réfugiés et se partager la charge de l’accueil », martèle Pierre Henry, le directeur général de France Terre d’asile.
Concrètement, le UNHCR sélectionne les dossiers selon des critères de vulnérabilité : personnes persécutées, malades pour qui les traitements sont indisponibles dans les pays d’asile, femmes, enfants, familles nombreuses... Puis les pays font leur « casting » parmi les cas qui leur sont présentés. Sur les 271 personnes mis en avant en 2009 par le UNHCR, la France a « retenu » 151 candidatures. « La sélection se fait notamment en fonction de la nationalité, du profil personnel ou de la facilité d’intégration », détaille William Spindler. Si l’Australie privilégie l’importance des liens familiaux dans le pays d’accueil, les Pays-Bas insistent sur « l’adhésion à des valeurs fondamentales », souligne une étude de l’Observatoire de l’intégration des réfugiés statutaires. Un mode d’élection largement critiqué par les ONG. Et l’Observatoire de poursuivre : « L’idée de mieux sélectionner les personnes ou de retenir les plus ‘intégrables’ implique de faire porter l’effort d’intégration davantage sur les réfugiés (pourtant très vulnérables, Ndlr) que sur la société d’accueil. »
Mais la chose tarde à se mettre en place. « Nous avons demandé à nouveau une coordination européenne la semaine dernière (le 24 mars, Ndlr) en plénière. Mais nous n’avons pas eu de réponse. On n’a pas l’impression qu’il y ait une volonté de mettre la coopération en route », constate Sylvie Guillaume, eurodéputée socialiste, qui travaille sur l’harmonisation européenne du droit d’asile et des droits de l’Homme. « La seule entente qui semble prévaloir au sein de l’Union, c’est le contrôle des flux migratoires et des frontières, avance Pierre Henry. Là, ils s’entendent très bien. Mais quand il s’agit de la solidarité entre Etats membres, pas question. C’est la stratégie de la patate chaude. »
Et si personne ne bouge, que va-t-il se passer ? « La situation va s’enkyster. A Shousha (à la frontière entre Tunisie et Libye), ce qu’on croyait être un camp de transit va devenir une structure durable, avertit le directeur général de France terre d’asile. Et ça va accélérer le développement de nouvelles routes migratoires. Car, pour ne pas risquer d’être parqués dans des camps, les migrants ne vont plus passer par là. Ils vont choisir une autre destination. Par exemple, en Italie. » C’est là désormais que les premiers bateaux débarquent.