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J’ai testé le régime Dukan
dimanche, 27 mars 2011 / Laure Noualhat /

Journaliste errant dans les sujets environnementaux depuis treize ans. A Libération, mais de plus en plus ailleurs, s’essayant à d’autres modes d’écriture (Arte, France Inter, Terra of course, ...). Il y a deux ans, elle a donné naissance (avec Eric Blanchet) à Bridget Kyoto, un double déjanté qui offre chaque semaine une Minute nécessaire sur Internet.

Voilà le printemps ! La saison indiquée pour se frotter à la nouvelle diète chouchoute des Français. Hyper-protéinée, elle évite la fringale mais fait-elle mincir mon impact sur la planète ?

Depuis quelques décennies, la femelle du genre humain s’adonne à un exercice saisonnier des plus étranges : la restriction alimentaire. Chaque année, au retour des beaux jours, ladite femelle modifie son régime pour perdre deux tailles et se glisser dans des robes seyantes qui mettent en valeur ses formes et, par voie de conséquence, facilitent le cycle reproducteur de l’espèce. A l’orée du printemps, pour optimiser mon cycle reproducteur, j’ai moi aussi décidé de mincir et de tester le régime qui cartonne : celui mis au point par le nutritionniste français Pierre Dukan qui promet des montagnes de graisse fondue sans aucun renoncement dans le frigo.

Que les âmes sensibles passent leur chemin. Dans la phase d’attaque de ce régime, œufs, viande, poisson et fromage blanc 0 % sont les uniques composantes des quinze repas de la première étape. Celle-ci, intitulée phase PP (pour protéines pures), promet la disparition de 1 à 8 kg selon le poids de départ, en à peine une semaine. Mais horrifiée par la teneur carnée de cette étape, j’ai joué avec du soja, du seitan et du tofu pour remplacer avantageusement la viande ou le poisson.

Le cabas 100 % bio de la phase PP m’a coûté environ 30 % plus cher que son équivalent en grande surface, soit 60 euros pour 2,5 kg de fromage blanc, 10 œufs, 600 g de jambon, 500 g de saumon d’élevage, 400 g de maquereau, 400 g de truite fumée, du blanc de poulet, du canard, de l’agneau et 1 kg de son d’avoine. La note est salée mais l’effet foudroyant. Dès le deuxième jour, le bouton du jean ne joue plus le récalcitrant et la balance affiche 1,5 kg de moins. Motivant.

100 000 allers-retours Paris-New York

Au bout de trente-six heures d’œufs durs et de truite fumée au fromage blanc, le principal effet secondaire du régime se fait sentir : la constipation. Le ventre est dur, l’effet de satiété permanent et un phénomène physico-chimique inédit se produit, que n’aurait pas boudé Lavoisier : on ne va plus à la selle tout en perdant du poids… Magique ! Pour pallier cette légère indisposition, une naturopathe m’a conseillé de l’huile de lin, bourrée d’oméga-3, à prendre à raison d’une petite cuillère par jour. Libérateur. Si le manque de fruits et de légumes m’a plongée dans une torpeur légèrement incompatible avec le « workaholism », jamais la sensation de faim ne m’a étreinte.

Ecologie oblige, impossible de tester le régime sans mesurer son impact environnemental. Le cabinet d’études Bio Intelligence Service, qui prépare notamment les étiquettes carbone des produits Casino, m’a aidée à calculer le bilan carbone de ma phase d’attaque : entre 30 et 40 kg de CO2 pour cinq jours de régal, contre 14 à 20 kg pour un cabas normal. En réalité, le régime Dukan n’est pas un problème en tant que tel, c’est son succès qui le rend particulièrement pénible. Plus de 5 millions de Français ont au moins suivi cette fameuse phase carnivore. Ce qui représente 150 000 à 200 000 tonnes de CO2 émises pour mincir, soit 75 000 à 100 000 allers-retours Paris-New York : pas jojo le kilo de trop. Mais le docteur Dukan a plus d’un tour dans son sac. Alors que je le questionnais sur l’impact sur la planète de sa diète, il a eu cette réponse désarçonnante : « Moi, j’œuvre pour une espèce humaine non grasse, une espèce humaine qui consommera moins de pétrole pour se déplacer puisqu’elle sera moins lourde. » Imparable ! En attendant l’avènement de ce nouvel humain, moi, j’ai repris mon 1,7 kg perdu… lors de la soirée organisée pour fêter ça. Et j’ai retrouvé le chemin de la piscine. —