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Branché de la Seine au Congo Brazza
vendredi, 11 mars 2011 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

Un panneau photovoltaïque, une lampe et un port USB : c’est la recette de Solar 21, jeune société rouennaise présente en Afrique et en Europe.

Mona. Le mot signifie « voir » en lingala, l’une des langues principales d’Afrique centrale. C’est aussi le nom d’une lampe se voulant « une solution pour permettre aux élèves de faire leurs devoirs, aux commerces ou aux dispensaires d’ouvrir le soir. Ce n’est pas une lampe de jardin, elle est conçue pour l’intérieur, en remplacement de la lampe à kérosène, source de CO2, ou de la bougie, qui cause des accidents », explique son créateur, Edgard Hardy.

Lire sous les lampadaires

En 2009, ce diplômé d’une école de commerce parisienne et prof d’économie et droit s’est lancé dans ce projet à partir d’un constat sans appel : « En Afrique noire, environ 80% de la population n’a pas accès à l’électricité. Et même ceux qui sont connectés subissent des coupures fréquentes. »

Un manque que ce quadra a connu dans son pays natal, le Congo Brazzaville : « Quand j’étais jeune, j’allais lire dans le quartier européen sous les lampadaires. Je me suis dit plus jamais ça. J’étais en Afrique il y a quelques mois et j’ai encore vu des jeunes dans la même situation. »

Avec le concours de l’Ecole centrale de Paris, il a donc planché sur cette lampe qui, grâce à un mini-panneau photovoltaïque de 1,8 W, permet en cinq à sept heures de recharge en plein soleil d’éclairer pendant une durée de 9 heures. Avec au choix une lumière diffuse pour une pièce, ou bien concentrée pour un bureau. Mais Mona compte aussi un port USB pour brancher son portable. « Au début, quand j’ai imposé qu’on puisse intégrer cette fonctionnalité, tout le monde se demandait pourquoi. Mais il faut savoir qu’environ la moitié des Africains a un téléphone portable », malgré les difficultés d’accès à l’électricité, rappelle-t-il.

Ministères et ONG

Outre l’expertise de l’école d’ingénieur parisienne, Edgard Hardy a bénéficié du soutien de Seinari, l’agence de l’innovation de la région Haute Normandie. « Il y a mis son cœur, ses réseaux, il fait partie de ceux qui devraient réussir », commente Philippe Gangneux, directeur adjoint de l’organisme. « La question qui tue que l’on pose c’est : "vous voulez vendre quoi, à qui, comment, combien et quand ?" Les perspectives de business sont intéressantes et il avait une idée des défis à relever et de la stratégie à adopter ».

Le garçon sait s’appuyer sur des distributeurs locaux pour une revente directe ou un passage par un partenaire qui « donnera les lampes ou les vendra à prix coûtant. Cela peut être une personne physique, une administration, une grande entreprise, une ONG », détaille Edgard Hardy.

Après avoir décroché en 2010 le prix « Innovation et futur » du conseil régional, la société Solar 21 expédiera en avril sa première commande de 5000 pièces en avril au Congo Brazzaville, où elle a noué un partenariat. Une deuxième devrait suivre en République démocratique du Congo, où le distributeur a des contacts avancés avec les ministères de la Santé et de l’Education.

« Je rentre d’Afrique du Sud, où plusieurs partenaires m’ont pris quelques centaines d’unités en guise de test, et je vais prochainement en Angola, au Sénégal et au Gabon. Enfin, nous venons de recruter il y a une semaine un commercial via un volontariat international en entreprise, qui ira en Afrique centrale », annonce-t-il.

Plaisance et randonnée

Autre raison d’y croire pour Philippe Gangneux : Solar 21 affiche un « modèle économique mixte », en visant à la fois le marché africain et européen. « L’adaptation, c’est de vendre un même produit différemment », résume-t-il. Ici, plus d’ONG faisant l’intermédiaire, il s’agit de cibler « les gens qui font du camping, de la randonnée, du bateau », indique Edgard Hardy.

Première touche avec Nature&Découvertes, qui distribue Mona en France, Suisse et Belgique. Après une première commande en décembre de 1000 lampes, « les magasins sont presque tous en rupture de stock » et une deuxième fournée est en route.

Reste un hic dans cette opération internationale : Mona n’est produit ni en France, ni en Afrique, mais en Chine. « C’est un problème de moyens. En France on parle beaucoup mais on ne fait rien. J’ai trouvé des partenaires en Chine qui ont mis 500 000 euros sur la table », justifie-t-il. Tout en assurant que l’idée de développer des capacités de production localement « est déjà intégrée dans [sa] tête ».

- Le site de Solar 21