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La tambouille du blanchiment
mercredi, 9 novembre 2005 / Toad , / Sylviane Bourgeteau

Le trafic de drogues pèse 340 milliards d’euros. Un gros pactole qui fait désordre sur les comptes en banque. La solution ? Le blanchiment. Alain Labrousse,ex-directeur de l’Observatoire géopolitique des drogues explique.

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Alain Labrousse

Terra Economica - L’ONU évalue le commerce des drogues à 340 milliards d’euros. Comment chiffrer un tel commerce ?

Pour obtenir des chiffres réels, il faudrait pouvoir calculer scientifiquement chaque étape de l’escalade des profits. Ce qui reste impossible. Ces chiffres ne sont que des approximations.

TE - Le blanchiment de l’argent des drogues est la dernière étape du circuit. Comment cela fonctionne-t-il ?

Après la vente en gros et au détail, qui sont les étapes les plus rentables, les trafiquants détiennent d’énormes capitaux à blanchir. Ils peuvent acheter des biens (voitures, électroménager...) et les revendre à des prix défiant toute concurrence. Ou créer des sociétés de services bidon, investir dans la construction d’immeubles qui seront faussement loués, construire des cliniques où ne viendront que des clients fantômes, ou faire des placements financiers dans des places offshore, c’est-à-dire des pays ou régions où le contrôle de l’origine des capitaux est très laxiste, voire inexistant. Pour l’Europe, ne citons que la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, les Îles de Jersey et Guernesey, l’île franco-hollandaise de Saint-Martin, et j’en passe. Mais nous pouvons aussi nous poser des questions, ici en France, sur la prolifération de bijouteries de luxe dans le Sud-Ouest ou de kebabs en Basse-Normandie, établissements presque toujours vides... Je tiens à rappeler que les "paradis fiscaux" ont été créés à l’origine par nos Etats et nos transnationales afin de disposer de capitaux pour leurs opérations boursières, leurs OPA, leurs affaires louches. Les narcotrafiquants, vendeurs d’armes et autres, n’ont fait que profiter d’une structure pré-existante.

TE - Cet argent intègre donc le système économique et financier ?

Oui, pour se blanchir. Et une fois blanchi, pour être réinvesti.

TE - Et que se passerait-il si l’on attaquait le blanchiment de front ?

L’économie mondiale ne s’effondrerait pas mais localement ou régionalement nous pourrions assister à des "krachs" financiers. Ce pourrait être le cas sur la Côte d’Azur, la Costa del Sol en Espagne, la Floride, régions largement pénétrées par les capitaux du blanchiment, ou comme l’Etat méconnu du Delaware véritable place off-shore - 0% d’imposition sur les bénéfices et 0% sur les dividendes - à deux pas de Washington, au cœur même des Etats-Unis, le fer de lance de la lutte contre la drogue.

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