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Bruxelles met un ticket sur l’Afrique
mercredi, 9 novembre 2005 / David Solon /

Président de l’association des Amis de Terra eco Ancien directeur de la rédaction de Terra eco

, / Roxane Arleo

Pour tirer - enfin - le continent africain de la pauvreté, l’Union européenne sort le carnet de chèques. Cela suffira-t-il ?

"Vers un pacte euro-africain pour accélérer le développement de l’Afrique". L’intitulé du texte rédigé par la Commission européenne, et qui devra être entériné par le Conseil européen le mois prochain, a tout d’un projet au long cours. L’idée générale du projet s’articule autour d’un seul objectif : sortir par tous les moyens les populations africaines de la pauvreté. "Nous devons coller aux recommandations des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) fixés par l’ONU", explique Louis Michel, le commissaire européen chargé du développement. Ces objectifs peuvent se résumer en quelques mots : d’ici à 2015, la pauvreté devra avoir diminué de moitié sur le continent africain.

Financement acrobatique

L’Union européenne fait sa liste de recommandations. Il faut, dit le texte, "veiller à la sécurité physique des populations, encourager la bonne gouvernance des pays africains, mettre en place un environnement économique adéquat, favoriser la croissance du continent... " Encore faut-il parvenir à financer tout cela. L’ONU, dans ses objectifs du Millénaire, souhaiterait que les pays développés consacrent 0,7% de leur PIB au développement. Aujourd’hui, les pays membres de l’Union européenne plafonnent à 0,34%. En 1985, l’Europe versait 5 milliards d’euros au continent africain. Elle a déboursé 15 milliards d’euros en 2003.

L’idée est donc d’atteindre le niveau fixé par les Nations unies dès 2015. Pour cela, Bruxelles prévoit de doubler l’aide publique au développement d’ici à 2010, et de consacrer la moitié de ce budget au continent noir. Au total, 20 milliards d’euros supplémentaires par an seront affectés à l’Afrique d’ici à 2010. L’enveloppe gonflera ensuite à 46 milliards d’euros par an jusqu’à 2015. "J’ai le sentiment que tout cela va dans le bon sens, estime Dante Monferrer, le directeur délégué des Volontaires du Progrès, une organisation non gouvernementale (ONG) qui œuvre en Afrique. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas d’autre possibilité, car si rien n’est fait, il ne faudra pas s’étonner de voir les gens venir mourir à nos portes." Benoît Méribel, le directeur général de l’ONG Action contre la faim (ACF) avance, pour sa part, sur un fil [1]. "Il faut saluer l’initiative de l’Union européenne, mais il faut aussi souhaiter que ce programme ne se résume pas à un code de bonne conduite destiné à donner bonne conscience à tout le monde."

Faire très vite

Pour le représentant d’ACF, la clef de la réussite tient en deux mots : coordination et réseau. "On ne réussira rien avec les ONG ici, les gouvernements là, les bailleurs de fonds internationaux un peu plus loin et tout le secteur privé dans un autre coin. Il s’agit de coordonner nos actions tous ensemble, et de les cibler le plus précisément possible." Un minimum pour parvenir à l’objectif de 8% de croissance économique sur le continent - chiffre fixé par le pacte euro-africain. La tâche semble immense. "J’ai une crainte principale, admet Dante Monferrer, c’est que la situation sur le terrain ne se dégrade trop rapidement et que sur ce rythme il ne faille pas dix ans mais entre 200 et 300 ans à l’Afrique pour atteindre les buts fixés."

Pour Benoît Méribel, l’inquiétude réside ailleurs. Si les objectifs du Millénaire appellent des résultats chiffrés, attention aux cibles choisies. "L’Afrique n’est pas uniforme et des priorités ressortent !" "Faire du chiffre à tout prix dans des régions où le développement est plus ‘facile’ à mettre en place pourrait accentuer les disparités au sein même du continent." Premier bailleur de fonds de la planète pour l’aide au développement, l’Europe joue gros sur ce texte. Quant à l’Afrique, les statistiques qui suivent démontrent l’ampleur de l’espoir.


Revenus riquiquis

315 millions de personnes, soit une personne sur deux de l’Afrique subsaharienne, survit avec moins d’un dollar par jour.

Régime alimentaire

184 millions de personnes souffrent de malnutrition, soit 33% de la population africaine.

Pas de médecin

Moins de la moitié de la population africaine accède à des services de soins.

Robinet coupé

En 2000, 300 millions d’Africains n’avaient pas d’accès à l’eau potable.

Vie raccourcie

L’espérance de vie moyenne en Afrique est de 41 ans. Un enfant sur six meurt avant l’âge de 5 ans.

Analphabétisme

Seuls 57% des enfants vont à l’école primaire.


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