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Najat, mal-logée : « J’habite dans une maison de Barbie »
jeudi, 3 février 2011
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Parmi les 3,2 millions de mal-logés en France, il y a Najat, locataire d’un 6 m2. Il y a un an et demi, elle a déposé un dossier au nom du Droit au logement opposable. Et vient de visiter un premier appartement.
Chez Najat, tout y est. Le coin cuisine, la table basse, le lit. Même une cabine de douche. Tout y est, oui. Mais dans 6m2. Cela fait 21 ans que Najat a quitté le Maroc pour la France. Dix-sept qu’elle cuisine, mange, dort dans cette « maison de Barbie ». Après quelques années passées au service d’une famille bourgeoise dans une chambre de bonne dépourvue d’eau courante, puis quelques mois à camper dans un « squat », poser ses valises au sol de cette petite pièce équipée était, au départ, un soulagement. Dix-sept ans plus tard, Najat est épuisée. « J’étouffe », confie-t-elle. Pour accéder à son logement, il faut prendre la porte de service d’un bel immeuble bourgeois du 17e parisien, monter dans un ascenseur aux allures de monte-charges, suivre un long couloir où l’on croise les toilettes. Ici, l’été fait suinter les murs. Et l’hiver givrer les fenêtres.
Dans le petit « appartement » Najat joue du système D. Dans la cabine de douche : des valises qu’il faut sortir pour se laver. Dans le petit cabas à roulettes : la nourriture qu’elle ne peut ranger ailleurs. Près de la télé : des boîtes de conserve, de médicaments. Un lit/canapé et une table pliante. On se met de profil pour se faufiler jusqu’à l’évier. Tout cela pour 245 euros mensuel. Pas d’allocations logement, Najat verse son loyer en cash à un propriétaire privé. Depuis quelques temps, elle reçoit bien des quittances en retour mais n’a jamais vu l’ombre d’un bail. Avec son salaire de 300 euros à La Poste pour une heure et demie de ménage quotidien, et quelques remplacements ça et là, Najat n’a guère le choix du logement.
Le 12 janvier 2010, le tribunal rend son verdict... positif. Najat doit être relogée. Les mois se succèdent sans aucune nouvelle. Le 4 février, l’affaire doit repasser devant le tribunal. L’Etat devrait être condamné à verser des astreintes, soit une pénalité par jour passé sans relogement proposé. Sauf que le changement se profile pour Najat. « Le 11 janvier, ils m’ont appelé pour me dire qu’il y avait un studio pour moi dans le 11e. C’est un petit deux pièces avec une cuisine à part, une salle de bains, très propre », sourit Najat. Si tout va bien, elle va pouvoir enfin recevoir les gens, acheter une machine à laver, avoir des toilettes à elle. « Je suis tellement soulagée » dit-elle, en croisant les doigts.
La procédure fut longue. Mais « ça marche quand même », estime Najat. « Pendant dix ans, il ne s’est rien passé et là en deux ans seulement je vais peut-être avoir un logement... » « Cela fait vingt et un an et cinq mois que j’habite en France, explique-t-elle et je n’ai jamais trouvé un logement bien. Je croise les doigts. Mais comme on me l’a dit à la fondation Abbé Pierre, tant que vous n’aurais pas les clés dans les mains... »
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