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Les marques ciblent les couleurs
jeudi, 27 octobre 2005
/ Karine Le Loët / Rédactrice en chef à « Terra eco ». |
Depuis l’époque du "Y’a bon Banania", la figure des minorités dans la publicité est passée de l’ombre à la lumière. Bienvenue dans le marketing ethnique.
Tout a commencé en juillet 1998. Au lendemain de la victoire des Bleus à la coupe du monde de football, la France s’éveillait multicolore. Depuis, les produits destinés aux communautés arabes, africaines, ou chinoises grossissent les gondoles des supermarchés. Un shampooing pour cheveux crépus "Dark and lovely", (L’Oréal), du lait Laban pour accompagner couscous et tajines imaginé par Bridel, un coca "mecca cola" estampillé musulman, des produits halal...
Nul doute que les grands industriels ont flairé la tendance et affûté leur arme. Son nom ? Le marketing ethnique. "Ce marketing, c’est accepter l’existence d’une société composée d’un agrégat de communautés qui se distinguent par leurs modes de consommation, leurs styles de vie, leurs langages, leurs façons de s’habiller, leurs loisirs, etc.", décrypte Anne Sengès, auteur d’Ethnik ! [1]. L’idée consiste en fait à accepter et aguicher ces communautés. Grâce à des publicités placées dans les médias communautaires, des icônes alléchantes placardées sur leur parcours quotidien, imitant leurs codes et parlant leur langage.
Mais la France n’a rien inventé. Le marketing ethnique est né aux Etats-Unis. Il s’est imposé dans la publicité comme une poussée de revendication sociale. Dès 1946, Pepsi ciblait directement les Noirs. Depuis, toutes les grandes marques américaines (Nike, Coca, M&M’s, Mars, Ford, MacDo, Procter&Gamble...) ont créé des départements spécialisés, recruté des profils ethniques, orchestré des campagnes. Bien ancré outre-Atlantique, le marketing ethnique semblait prêt à traverser l’océan. Mais la France n’est pas les Etats-Unis. Aussi, plus d’un demi-siècle plus tard, l’Hexagone hésite encore à lui emboîter le pas. La raison ? L’article 1 de la constitution stipule que "la République est une et indivisible". Au nom du sacro-saint principe d’intégration, l’Etat nie donc l’existence de modes de consommation différents.
Mais Anne Sengès l’affirme, le marketing ethnique gardera, quoi qu’il advienne, une touche particulière sur notre territoire. Histoire de vanter cette intégration tant rebattue et d’éviter la ghettoïsation. Ainsi Zidane parade pour Volvic, un groupe d’indiens pour la 206, Tati lance une campagne multicolore sur le slogan "Tati est à nous"... Le communautarisme dans la publicité n’est pas encore pour demain.
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