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L’hémisphère Sud est-il en train de couler sous l’effet de la Niña ?
mardi, 25 janvier 2011 / Karine Le Loët /

Rédactrice en chef à « Terra eco ».

Australie, Sri Lanka, Afrique du Sud. Depuis quelques semaines, c’est la litanie des inondations et des pluies diluviennes. La faute à la Niña ? Pas toujours.

Des inondations en pagaille

- Afrique du Sud : ses pluies diluviennes auraient déjà fait 100 victimes ce lundi 24 janvier, rapporte le Guardian. Tandis que plus de 8 000 personnes auraient été évacuées. En première ligne, la région de Johannesbourg et les provinces du Nord et de l’est.
- Australie : après le Queensland au Nord-Est du pays, c’est l’Etat du Victoria au Sud qui est à présent touché, annonçait ce lundi l’AFP. Dans le Queensland, 35 personnes ont été tuées depuis le 30 novembre, une partie des récoltes détruite et l’industrie minière paralysée pendant plusieurs semaines.
- Sri Lanka : de fortes pluies se sont abattues sur l’Est du pays entre le 8 et le 12 janvier. Bilan : 23 morts, 30 000 logements détruits et 100 000 hectares de rizière dévastées, selon l’IRIN (Integrated regional information network) un organe d’information rattaché à l’Onu.
- Philippines : depuis la fin décembre, des pluies de mousson violentes s’abattent sur le pays. Bilan provisoire : 60 morts et 27 disparus.
- Brésil : après les inondations du 12 janvier et d’importantes coulées de boues dans la région montagneuse au nord de Rio de Janeiro, le bilan dépasserait désormais 800 morts selon l’AFP. 400 personnes seraient encore portées disparues.

La faute à la Niña ?

Coulées de boues ici, précipitations là, on a tôt fait de faire un joli mélange et de désigner un coupable unique : la Niña. Mais tous les événements climatiques récents y sont-ils liés ? « Probablement pas tous, même si les scientifiques n’en sont pas certains, précise le Guardian. Selon le bureau météorologique britannique la Niña seraient bien à l’origine des inondations en Australie et aux Philippines mais pas de celles du Sri Lanka, frappé simplement par une mousson particulièrement virulente. « Il est possible que les inondations brésiliennes aient un lien mais les preuves sont trop faibles pour tracer un lien direct », souligne encore le quotidien. Et pour l’Afrique du Sud ? Selon l’Organisation météorologique mondiale, la Niña s’accompagne en général de fortes pluies en Indonésie, Malaisie et Australie, mais aussi d’un temps pluvieux dans le sud-est de l’Afrique...

Mais au fait, la Niña, qu’est ce que c’est ?

La Niña, c’est l’inverse d’El Niño nous dit-on. Ça ne vous avance pas ? Pour les moins connaisseurs, Philippe Jeanneret, du service météo de la TSR s’est fendu de petits schémas. En clair, en temps normal, les alizés (ces vents qui soufflent en zone intertropicale) repoussent les eaux chaudes de surface depuis les côtes de l’Amérique vers l’Australie. L’air chaud chargé d’humidité s’élève puis se condense en fortes précipitations. La pluie tombe sur l’Océanie et le continent asiatique. Avec la Niña, le phénomène est simplement plus accentué et les pluies se font plus fortes. Au même moment, l’eau chaude accumulée vers l’Ouest fait monter le niveau de l’océan (le volume de l’eau chaude étant plus important que celui de l’eau froide), le terrain est propice pour les inondations. « Ces mouvements des eaux de surface réorganisent les zones de précipitations de la région. Lorsque l’océan Pacifique devient froid, les zones de pluie s’en écartent et se déplacent vers les terres situées à l’opposé », précise Francis Codron, chercheur au Laboratoire de météorologie dynamique sur le site de la Cité des sciences. En clair, de l’autre côté du Pacifique, c’est la sécheresse.

La Niña est-elle accentuée par le réchauffement climatique ?

Selon l’Organisation météorologique mondiale citée par l’Express : « Le réchauffement climatique influence la portée de la Niña. Lorsque celui-ci est plus ou moins important, l’impact de la Niña est plus ou moins conséquent ». Hervé Le Treut, climatologue et académicien des sciences est plus prudent : « On ne sait pas encore bien si le réchauffement a un impact sur l’ampleur de la Niña. Nous sommes certains qu’à l’échelle de plusieurs décennies, le système va se modifier, mais on ne sait pas comment. Les températures de l’océan vont bien sûr être affectées mais il y a beaucoup d’autres paramètres à prendre en compte dans les épisodes de la Niña, notamment la circulation de l’atmosphère », confiait-il à 20 minutes le 13 janvier dernier.