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Manger les animaux ? Une question sur le gril de la blogosphère
vendredi, 21 janvier 2011 / Anne-Sophie Novel (Ecolo Info) /

Fondatrice d’Ecolo Info

Avoir peu de choses à se mettre sous la dent quand on cherche l’avis des blogueurs sur « Faut-il manger les animaux ? », l’essai de Jonathan Safran Foer, c’est un comble. Mais c’est aussi une indication.

N’ayant pas encore eu le temps de lire Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer sorti le 6 janvier dernier (Editions de l’Olivier), je me disais que certains l’auraient déjà dévoré… Mais non : il est encore trop tôt pour avoir des échos et des critiques personnelles de lecteurs sur les différentes blogosphères.

Mais qu’à cela ne tienne. Ceci, en soi, est fort révélateur ! Révélateur, d’abord, de la façon dont une campagne média bien menée peut orchestrer de belles retombées presse pour la sortie française d’un best-seller américain. Sauf que la blogosphère n’y a pas été associée a priori et que l’ouvrage fait pour l’instant les choux gras des médias traditionnels. Si bien que les blogs se transforment en caisse de résonance : le blog Psychanalyse et animaux ou le blog Belle planète ont, par exemple, regroupé plusieurs articles de presse parus sur l’ouvrage. D’autres constatent également cet engouement de la critique : ils qualifient tantôt l’auteur de « chouchou des médias » (Green and zen) ou se livrent à une critique ouverte de cet effet médiatique. Pour certains, comme La terre d’abord (blog consacré à l’écologie radicale et à la protection animale), il s’agit là d’une « fumisterie organisée à grande échelle », sorte de « sas de décompression » qui rend acceptable ce que dénonce Jonathan Safran Foer pour une société loin de comprendre la logique du véganisme (vivre sans exploiter les animaux)…

Mais cela révèle également un mal plus profond : nous ne voulons pas savoir ce qu’a vécu notre steak avant de finir à côté de ses frites, et nous n’avons, dans le fond, que faire de cette cruauté ! Alors on s’attache aux chiffres pour se convaincre de changer… comme le fait Thomas Clément pour qui un « chiffre fait mouche » : « Si les Américains mangeaient un plat de viande en moins par semaine, en terme de pollution, ça reviendrait à supprimer 6 millions de voitures sur la route ». Ou Anne-Laure sur la soif du miam (qui a commencé à lire l’ouvrage) au sujet du « plaidoyer pour manger les chiens » (« Les chiens implorent quasiment qu’on les mange. Trois à quatre millions de chiens et chats sont euthanasiés chaque année. Cela revient à jeter à la poubelle plusieurs millions de kilos de viande. ») et The girl next door (« Une industrie qui participe au réchauffement climatique pour 40% de plus que l’ensemble des 50 milliards de volailles élevées le plus souvent en batterie, bourrées d’antibiotiques puis abattues »).

Puis on reconnaît qu’il faudrait manger moins de viande, et on s’interroge : « Comment concilier convivialité et végétotalitarisme ? Et si chacun – journalistes, consommateurs – commençait d’abord par harceler les commerçants/restaurateurs/industriels de questions sur la provenance des produits et le mode de pêche/élevage ? » Mais au final, si l’ouvrage est apprécié pour sa documentation et l’absence de radicalisme de l’auteur (« Il met le lecteur face à ses contradiction sans lui jamais lui donner de leçon »), certains redoutent l’émergence de mauvaises raisons pour continuer à manger de la viande du type : « c’est vrai que c’est pas super, mais c’est si bon… ». Un aveu que quelques blogueurs comme The girl next door font ouvertement sur leur blog : « Pour ma part, mon rapport à la viande est totalement schizophrénique comme la plupart d’entre nous certainement. Si je dis aimer les animaux (…), je cède le plus souvent à la facilité en mangeant de la viande, même si je privilégie la plupart du temps les produits de la mer qui, après tout, méritent tout autant leur dignité… Pourquoi ? Par facilité, je l’ai déjà dit, par volonté de ne pas déranger (le regard porté sur les végétarien est plutôt négatif), par ignorance aussi… »

Pour ma part, j’ai la sensation que les propos tenus dans cet ouvrage ressemblent à ceux tenus il y a un peu plus d’un an par Fabrice Nicolino dans Bidoche : son livre est certes moins romancé, mais le journaliste y dénonce tout aussi clairement les mécanisme d’industrialisation du vivant et de maltraitance des animaux. J’ai aussi en tête le témoignage de Claude Bourguignon dans Solutions locales pour un désordre global, le film de Coline Serreau, ou les images de poulets et de poussins industrialisés du documentaire We Feed the World

Au final, ce débat interroge une fois de plus notre bon sens et notre capacité à nous opposer à une telle mainmise sur notre alimentation. Comme le dit la romancière Barbara Kingsolver : « Les gens doivent à tout prix comprendre que notre alimentation détermine notre façon d’exploiter le monde. » A bon entendeur…


A tous ceux qui cherchent encore des réponses à la question de savoir s’il faut manger des animaux, je recommande la lecture du récit locavore de Barbara Kingsolver Un Jardin dans les Appalaches et plus particulièrement le chapitre 14. L’auteure y explique son rapport aux animaux et son positionnement est le plus clair que j’ai jamais vu sur la question… Proche de l’éthique végétarienne sur de nombreux points, elle prône pourtant le fait de manger de la viande de manière très sélective.

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