https://www.terraeco.net/spip.php?article15306
Fructis se fait mousser vertement
mercredi, 26 janvier 2011 / Emmanuelle Vibert

Un shampooing à la formule ni bio ni vraiment naturelle mais au flacon qui promet le plein « d’énergie verte », ça en défrise certains. C’est couper les cheveux en quatre, répond le Jury de déontologie publicitaire. Vraiment ?

Du vert en veux-tu ? En voilà ! Un champ de fleurs, un cercle où l’on distingue les nervures d’une feuille autour du nom de la marque et puis ce slogan : « La nouvelle énergie verte. » Pourtant, il ne s’agit pas de vanter des éoliennes, mais un nouveau shampooing Fructis de Garnier (groupe L’Oréal). Cette affiche fait hurler certaines associations et lecteurs de Terra eco.

Stratégie

Le végétal fait vendre. Et dans les cosmétiques plus que tout. La croissance à deux chiffres des crèmes certifiées naturelles et bio agite le secteur. Elle s’élevait à 20% ces dernières années en Europe, 12% seulement en 2010, selon le cabinet Organic Monitor. Alors forcément, quand on vend des shampooings, il est tentant d’attirer les foules avec des sirènes verdoyantes. Garnier et son Fructis y vont franco. Selon l’argumentaire feuillu du site Internet, le produit « puise son énergie dans un concentré actif de fruits, associé à des extraits végétaux minutieusement sélectionnés ». Résultat ? Vos cheveux sont « plus lisses, donc plus brillants ». Il y a aussi l’onglet : « Garnier s’engage pour préserver l’environnement ». La marque entend rendre à la nature « une partie de ses bienfaits en agissant en société responsable ». Concrètement ? Toutes ses usines sont certifiées ISO 14 001 – un système de management environnemental – et ses emballages de shampooings pesaient 18,5 g en 2007 contre 20 g en 2000.

Cas d’école

Hormis les acides de fruits, que trouve-t-on dans ce flacon ? Une formule classique de la cosmétique conventionnelle, à base d’eau, de tensioactif à tendance irritante (laureth sulfate de sodium) et un tas d’ingrédients décriés par les partisans du naturel. Cinq types différents de parabens, du phénoxyéthanol et du DMDM hydantoin : des conservateurs peu recommandables, selon les fans du bio. Sans oublier un stabilisateur appelé carbomer, un texturant nommé Cocamide mipa, tous deux très écologiquement incorrects. Et enfin, un dérivé de la gomme de guar, qui protège les cheveux certainement plus efficacement que les actifs de fruits, mais dont la production est dénoncée comme polluante et dangereuse.

Du coup, quand Stéphane Kerckhove, délégué général de l’association Agir pour l’Environnement, a saisi le Jury de déontologie publicitaire (JDP), début novembre, il était sûr de lui : « Ça allait tellement de soi. » Du vert partout, un slogan super écolo, sans aucun label mis en avant. « On ne saisit pas le JDP à tort et à travers, dit-il. On cible les cas les plus évidents de “ greenwashing ”. » Dix jours plus tard, la plainte est pourtant rejetée. Pour Marie-Dominique Hagelsteen, présidente du JDP, puisque le flacon est de couleur verte « depuis la création de cette marque », la signature ne doit pas « être perçue, dans ce contexte, comme constituant une revendication à caractère écologique ». Stéphane Kerckhove, furieux, juge ce raisonnement « grossier » et réclame la fermeture de l’Autorité de régulation des professionnels de la publicité, dont dépend le JDP. A ses yeux, elle « n’est là que pour entretenir l’illusion d’un contrôle en lieu et place d’une instance régalienne, dotée d’un véritable pouvoir de contrôle et de sanction ».

Verdict

Il y a quelques années, ce slogan serait passé comme une lettre à la poste. Aujourd’hui, plus question de communiquer sur l’environnement sans avancer des billes. Le second degré peut faire partir au quart de tour les écolos. Mais surtout, les éternels arguments sur « les concentrés uniques » ou « les actifs dotés de propriétés exceptionnelles » fatiguent. Quant à l’étude – promise par Garnier – qui permet d’avancer une efficacité « prouvée », nous l’attendons toujours. —


La note de l’expert : 1/5

José-Henrique Pinto, consultant dans l’agence responsable Eco&co : « Le qualificatif “vert“ signifie aujourd’hui respectueux de l’environnement. Pour ne pas être attaqué par les associations, il faut mettre en avant un certificat environnemental officiel : écolabel européen, label AB ou, à défaut, ISO 14 001. Or, les sites de production de Fructis ont décroché cette dernière certification. Mon premier conseil : la mettre en avant et développer une argumentation adaptée. »