https://www.terraeco.net/spip.php?article15124
Travailler moins (et gagner moins) ? Vos réactions
lundi, 10 janvier 2011 / François Meurisse /

Rédacteur en chef édition

Travailler moins ? Impensable ? Inévitable ? Dans quel but ? A l’heure d’une nouvelle polémique sur les 35 heures, les lecteurs de « Terra eco » s’emparent de la question.

« Le temps manque pour lire le journal, réfléchir, aimer, parler avec ses enfants, écrire à sa famille, rendre visite aux personnes âgées. » Le constat de Fabienne-Anna n’est ni désespéré ni rempli de colère, lucide seulement. Alors que faire ? Travailler moins comme Terra eco le suggérait, quitte à gagner moins ? Les entreprises ayant instauré une semaine de labeur inférieure à 35 heures étant rares, certains ont fait le choix du temps partiel. C’est le cas de Vince72 et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne le regrette pas. « Avec ma conjointe nous avons fait le choix du temps partiel tous les deux (80%) depuis la naissance de notre 1er enfant. Bien sur nous gagnons moins d’argent mais nous n’en souffrons pas ! Les besoins primaires sont comblés et pour le reste nous avons appris à modérer nos "caprices consuméristes". Du coup, "travailler moins pour vivre plus" est devenu ma devise… »

Problème : « Travailler moins signifie moins de richesses, moins de ressources pour les administrations publiques et la solidarité et bien sûr plus de pauvreté », assure Blandine sur la page Facebook de Terra eco. Et selon GadParis, « la mondialisation oblige à se positionner de manière proche de ses voisins et personne ne court à la baisse du temps de travail. (…) On est absolument pas obligé d’être de droite ou réactionnaire pour constater les dégâts d’une loi bourrée de bonnes intentions et d’effets pervers et de bombes à retardement (…) Les Français veulent du pouvoir d’achat et non du temps en moins de travail mais ils prennent ce qu’on donne... Et quelquefois les cadeaux sont empoisonnés ». Plus remonté, Bonhomme se demande : « Pourquoi 35 puis 32 puis 30 heures ? Ensuite, il n’y aura plus que le Pôle emploi qui proposera mieux. Lorsque la France et l’Europe seront rachetées par les nouveaux riches (Chine, Inde etc.), il faudra bien s’adapter à leurs horaires » !

Le sens de l’histoire

Mais selon Vincent57, ce discours est biaisé : « L’augmentation de la productivité du travail a permis au cours de ces dernières décennies de fabriquer avec moins de main d’œuvre la même quantité de produit. Les économistes nous expliquent donc que pour garantir l’emploi, donc le même niveau de main d’œuvre, il faut produire toujours plus, donc consommer toujours plus et épuiser toujours plus les ressources de notre planète et la polluer toujours plus. Un peu de bon sens permet de se rendre compte qu’on va droit dans le mur avec ce raisonnement. » Tassin va dans le même sens : « Le gros problème depuis le début des années 1980, c’est que le temps de travail ne baisse plus alors que la productivité continue d’augmenter ! »

De toute façon, ne serait-ce pas le sens de l’histoire que de bénéficier de semaines de travail toujours moins lourdes ? « L’humanité a toujours progressé en travaillant moins, affirme encore Tassin C’est un fait. Ce ne sont pas 35 heures qu’il faut pour relancer l’emploi en France, c’est 32 heures, sous forme de RTT ou d’une 6e ou 7e semaine de congés payés. » Et qu’on ne parle pas de fatalité à travailler toujours plus à ce lecteur pour qui la situation requiert, « beaucoup de courage politique. » : « Que répondait-on à la proposition des congés payés, des 40 heures, des 39 heures, de la 5e semaine [de congés payés] ? », demande-t-il. Quant à Cartus, il pose une autre question « innocente » : « Combien de temps travaille un actionnaire exigeant des dividendes à deux [chiffres] même si cela condamne l’entreprise à moyen terme ? »

Travailler moins pour ne pas consommer plus ?

Julie, elle, déplace la question vers les buts recherchés à travers le travail : « La production de richesses, autrement dit la croissance, est source de CO2, d’utilisation des ressources naturelles à outrance… et tant que cette notion de création de richesses ne sera pas revue vers l’investissement vert, vers le durable, ça n’améliorera pas nos conditions de vie. » « Le seul raisonnement soutenable consiste à dire que l’augmentation de la productivité doit nous permettre de travailler moins pour ne pas consommer plus et pour avoir du temps à consacrer aux autres et à l’environnement. (…) Il faut aussi réduire les inégalités et prendre en compte les aspects de mondialisation, mais ce nouveau modèle de société où l’on travaillerait moins est faisable et souhaitable en termes de bien-être », conclut Vincent57. Au boulot !