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Euro : comment arrêter le yoyo ?
lundi, 13 décembre 2010 / Sylvain Gouz /

Journaliste.

Un jour à la hausse, le lendemain à la baisse, la monnaie européenne mène le bal des devises et cela inquiète. Et si on inventait une parité « réelle » entre l’euro et le dollar ?

Il y a vraiment de quoi avoir le tournis. 6 juin 2010. L’euro en dessous de 1,20 dollar. Catastrophe ! C’est l’Europe monétaire qui s’effiloche dans la foulée de la crise grecque. 4 novembre 2010, l’euro au-dessus de 1,40 dollar. Catastrophe ! Voilà l’euro victime collatérale de la guerre des monnaies, du bras de fer entre un yuan sous-évalué, délibérément cadenassé par les autorités chinoises pour doper leurs exportations, et un dollar que les Etats-Unis cherchent à dévaluer en faisant tourner la planche à billets afin de rendre leurs produits plus compétitifs.

30 novembre 2010, l’euro repasse sous la barre de 1,30 dollar. Catastrophe encore ! Cette fois, ce sont les vicissitudes irlandaises qui menacent la cohésion de la zone euro. Quelques réunions ministérielles européennes et un renflouement de l’Irlande plus tard, le tout emballé par quelques paroles rassurantes de Jean-Claude Trichet, le président de la Banque centrale européenne, voici ce 3 décembre l’euro requinqué et qui flirte avec 1,33 dollar. Ouf ! Jusqu’à la prochaine secousse.

Rétroviseur : voilà un an, le 1er décembre 2009, l’euro atteint son plus haut cours historique, précisément à 1,5121 dollar. Et si l’on remonte à l’origine de la monnaie unique européenne, lors de son premier jour de cotation à la bourse de Francfort, le 4 janvier 1999, l’euro vaut 1,1789 dollar. Sans commentaire !

Qui sont les spéculateurs ? Surtout des banques

Tantôt trop fort pour rendre les produits européens compétitifs sur le marché mondial, tantôt trop bas parce qu’il renchérit les achats de matières premières, l’euro n’en finit pas d’être un yoyo capricieux, un jouet, dans les mains des détenteurs de capitaux.

Que ceux-ci craignent ou espèrent – cela revient au même – une appréciation de la monnaie européenne face au dollar et ils investissent en euros, ce qui mécaniquement fait monter le cours. Qu’à l’inverse, ils anticipent une baisse, les voilà qui échangent en masse leurs euros contre des dollars et les cours chutent.

A chaque fois, dans un sens comme dans l’autre, les opérateurs empochent la différence entre les cours d’achat et de vente. C’est ce qu’on appelle tout simplement de la spéculation financière. D’une certaine façon, ces spéculateurs, ces « investisseurs » comme le disent de savants économistes, remplissent tout simplement le rôle qui leur est dévolu dans le système. Qui sont-ils ? Pour l’essentiel des banques, des fonds d’investissements – ces fameux hedge funds –, voire des Etats à travers leurs fonds souverains.

Ils ont entre les mains des sommes considérables qu’ils font fructifier le plus possible et le plus vite possible. A la limite, les déposants, gros ou petits détenteurs de capitaux, pourraient leur reprocher de conserver des placements en euros alors que la monnaie européenne est en chute libre ou de ne pas en acquérir alors que l’euro se renforce.

Une règle du jeu fondée sur le réel

Mais alors, quelle pourrait être une règle du jeu pour définir les taux de change hors de ces jeux malicieux ? Si l’on veut bien souscrire à l’idée que la monnaie n’est qu’un moyen inventé pour échanger des biens ou des services au-delà du troc originel, il y aurait bien une manière toute simple de fixer la parité entre deux monnaies : ce serait d’égaliser leurs pouvoirs d’achat.

Rêvons un peu : composons par exemple un panier de marchandises et de services identique aux Etats-Unis et en Europe, l’un en dollars, l’autre en euros. On y place pêle-mêle des produits alimentaires de base, et d’autres plus raffinés, des automobiles de même marque et cylindrée et des téléviseurs similaires, des ordinateurs et des vêtements comparables, des machines-outils et des poutrelles métalliques de capacités et de dimensions similaires, des mises en pli chez un coiffeur pour dame et des réparations de robinets…

On fait les additions d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, et on met les résultats face à face pour obtenir une parité « réelle » entre l’euro et le dollar, bref un taux de change qui rend équivalents les pouvoirs d’achat ici et là.

Bien sûr, ce raisonnement peut susciter des objections (sur les différences de salaires, de niveaux de protection sociale ou encore de taux d’intérêt) ; mais il a le mérite d’être fondé sur le réel quotidien de la vie des gens, ici et là, et non sur le virtuel éphémère de l’appréciation des marchés. Mais on l’a dit, ce n’est qu’un rêve.


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