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Rachel Botsman
lundi, 22 novembre 2010 / Anne Sengès /

Correspondante de « Terra eco » en Californie, Anne Sengès est l’auteur de « Eco-Tech : moteurs de la croissance verte en Californie et en France », paru en novembre 2009 aux éditions Autrement.

Besoin d’une perceuse ou d’un vélo ? Ne l’achetez pas ! C’est en substance le discours de la coauteure de « What’s Mine is Yours » (« Ce qui est à moi est à toi »).

La scène se passe au Hub, un espace de travail collaboratif à San Francisco. Le lieu n’a pas été choisi au hasard par Rachel Botsman, la coauteure (avec Roo Rogers) de What’s Mine is Yours (« Ce qui est à moi est à toi »). Car il s’agit de faire l’apogée de la consommation collaborative, un mouvement qui consiste à prêter, échanger, donner ou louer plutôt qu’acheter pour mieux jeter. « Fermez les yeux et songez à l’objet que vous portez sur vous auquel vous tenez le plus », demande d’emblée Rachel, avant d’ajouter une minute plus tard : « Passez cet objet à la personne qui se trouve à votre droite. »

Je confie mon alliance à mon voisin – légèrement sidéré par cet acte – en me demandant si mon mari appréciera ce don désintéressé. Ma voisine de gauche m’explique de son côté qu’elle m’aurait bien refilé son iPhone mais qu’elle en a besoin pour prendre des notes car elle n’a ni papier, ni crayon. Elle fouille alors dans son sac pour dénicher un autre trésor et me passe sa carte de transports en commun. Rachel nous rassure en précisant qu’il ne s’agit que d’un prêt et que nous serons autorisés à récupérer nos chères possessions à la fin de la soirée. Soulagement général.

Pourtant, l’avenir appartient aux adeptes du covoiturage, aux fans du Vélib’, aux gens qui troquent leurs possessions sur Internet, donnent des objets dont ils ne voient plus l’utilité ou prêtent de l’argent sur les sites de crédit en ligne à de parfaits inconnus, nous explique l’auteure. Il n’appartient qu’à nous d’imaginer un nouveau modèle de civilisation et de croissance caractérisé par la mutualisation des services, un monde où règnerait une économie de la fonctionnalité, une société empreinte de civilité (virtuelle ou non), le tout facilité par l’avènement du web 2.0 qui relie les consommateurs.

Des chiffres qui donnent les vertige

« Combien d’entre vous possèdent une perceuse électrique ? », poursuit Rachel. La moitié de la salle lève le doigt. « J’espère que vous réalisez que c’est une absurdité car vous n’utiliserez cette perceuse qu’une dizaine de minutes pendant toute sa durée de vie », assure-t-elle alors en faisant l’éloge des sites de location d’objets et de services entre particuliers comme Zilok. Il faut dire qu’aux Etats-Unis, royaume de la consommation à outrance et de l’individualisme, 80% des objets ne servent en moyenne qu’une fois par mois. Un chiffre qui devrait motiver à organiser sur-le-champ un vide-grenier ou une vente aux enchères sur eBay.

Si vous ajoutez qu’un Américain moyen vivra 80 ans, consommera 2,5 millions de litres d’eau, le bois d’un millier d’arbres, 21 000 tonnes d’essence, 220 000 kilos d’acier et 800 000 watts d’électricité, les chiffres donnent le vertige… Et les early adopters, ces faiseurs de tendances qui font leurs courses au marché local et circulent en Zipcar (un système de covoiturage), n’ont pas trop de leçon à donner : souvent, ils changent de téléphone portable chaque année et d’ordinateur tous les deux ans. Juste un rappel : Apple en est à sa dix-huitième version de l’iPod !

WHAT’S MINE IS YOURS from rachel botsman on Vimeo.

« Ce n’est pas réservé aux communistes et aux hippies »

La force du message véhiculé par l’ouvrage de Rachel Botsman et Roo Rogers réside cependant dans sa philosophie qui consiste à repenser notre façon de consommer plutôt qu’à devenir soudainement des adeptes de la décroissance. Car la consommation collaborative n’est ni anti-business, ni anti-consommateurs. « Il s’agit d’une philosophie qui consiste à dire : “Je vais vous aider car quelqu’un d’autre va m’aider” plutôt que “Je vais vous aider à condition que vous m’aidiez” », assure Rachel qui précise que cette mentalité, c’est simplement celle de nos grands-parents qui vivaient à une époque où les communautés étaient beaucoup plus soudées.

L’avènement d’Internet et des réseaux sociaux offre la possibilité de se réaccaparer les valeurs d’antan mais aussi de devenir des micro-entrepreneurs, la volonté d’aider l’autre et de créer des échanges (virtuels ou non) s’accompagnant souvent d’une motivation financière. Par exemple, les New-Yorkais qui utilisent le site Airbnb pour louer occasionnellement leur chambre d’amis gagnent en moyenne 1 600 dollars par mois (1 175 euros) ! « Partager n’est plus une valeur exclusivement réservée aux communistes et aux hippies », s’amuse Rachel.

La sagesse des foules

Le succès de cette révolution qu’est la consommation collaborative dépend cependant d’un facteur important : la capacité à faire confiance à des inconnus. Cette nouvelle économie est entièrement basée sur la volonté de chacun de ne pas tromper l’autre. Des sites comme eBay ont cependant prouvé qu’il était possible d’encourager les transactions commerciales entre personnes qui ne se connaissent pas grâce à un système qui voit l’acheteur de noter le vendeur et ainsi faire et défaire les réputations. Les sites de crédit « peer-to-peer » comme le Lending Club – qui relie prêteurs et emprunteurs en fonction de leurs affinités – assurent que le taux de défaut de paiement est très bas. On mise sur la sagesse des foules.

Pour Roo Rogers, coauteur du livre et ardent défenseur de l’environnement, donner aux consommateurs l’accès aux objets désirés sans passer par la case achat fait de la consommation collaborative le moyen le plus efficace pour préserver les ressources de la planète et dire adieu au règne de l’hyper-consommation. Selon lui, la meilleure façon de changer les comportements n’est pas de faire la morale en demandant aux consommateurs de réduire leur train de vie. « Le jour où le consommateur aura le réflexe de se demander, alors qu’il s’apprête à acheter une perceuse ou une voiture, s’il a vraiment besoin de posséder cet objet sachant qu’il peut en louer une ou l’emprunter à son voisin, la planète s’en portera mieux », assure-t-il.


Les bonnes adresses du consommateur collaboratif

- Les sites de crédit « peer-to-peer » Lending Club et Zopa

- Les sites de voyage AirBnb et CouchSurfing

- Les sites d’échange Swap et Freecycle

- Les sites de location ou de vente Zilok et eBay

- Les sites d’autopartage Zipcar, Caisse Commune ou Franceautopartage

- Les sites de covoiturage Covoiturage.fr ou Feduco

- Le site de la consommation collaborative