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Devenir verts ou bien mourir
mercredi, 24 novembre 2010 / Arnaud Gonzague

Les Grammaires de la contestation, Irène Pereira, La Découverte, 238 p., 14,50 euros.

L’écologie politique française, c’est un peu comme ces amis d’enfance, dont on trouvait les parents vachement sympas, tout en se demandant comment ils pouvaient bien s’entendre. Chez nous, les papas-mamans de l’écologie sont des cathos plus concernés par le sort des humains que par la messe, des hippies lorgnant du côté des Etats-Unis et ceux que la sociologue Irène Pereira nomme des « Nietzschéens » – c’est-à-dire des individualistes libertaires qui préfèrent défendre des minorités (sexuelles, ethniques…) plutôt que des classes sociales. Avec des parents aussi mélangés, étonnez-vous que les rejetons partent dans tous les sens ! Et de fait, entre la bobo bon teint qui s’habille chez Paule Ka et l’« objecteur de croissance » qui a renoncé au frigo, il existe aujourd’hui un abîme. Mais quand on se penche sur la typologie des gauches françaises retracée dans Les Grammaires de la contestation, on comprend la supériorité de l’écologie sur toutes les autres causes : elle s’appuie sur une urgence. En l’occurrence, le constat objectif que nous avons tous intérêt à empêcher que la planète ne ressemble à un désert irrespirable, dont les espèces les moins rentables auraient été exterminées.

Tourbillon vertigineux

Les autres mouvements du spectre de gauche (socialistes, féministes, républicains, anticléricaux…) brandissent des causes essentielles sur le plan moral, mais dont l’homme – créature égoïste et infantile – juge, sans trop se l’avouer, qu’elles peuvent attendre. Les enfants africains meurent de faim ? Les ouvriers asiatiques sont des semi-esclaves ? Les femmes du Moyen-Orient vivent dans l’oppression ? La seule force qui pousse le citoyen à agir dans ces cas-là, c’est le sentiment d’indignation, qui ne semble pas un moteur très puissant… Il suffit de constater la situation des enfants africains, des ouvriers asiatiques et des femmes du Moyen-Orient.

Energie déployée

Pire : le livre Les Grammaires de la contestation déploie un tourbillon vertigineux de références à des centaines de mouvements en « isme » – des philosophies radicales, des manifestes, des revues, des associations… – au point que le lecteur finit par se demander : mais quels ont été les résultats tangibles de toute cette énergie déployée, de ces montagnes de raisonnements, de ces trésors d’altruisme ? Bien sûr les congés payés, bien sûr l’émancipation des femmes, bien sûr le Pacs… Mais les conquêtes sur l’égoïsme carnassier sont tellement minimes !

En écologie aussi, tout reste à faire. Mais là, il paraît impossible que l’humanité attende encore deux siècles avant de se soucier de ce qui va la détruire, qu’elle soit homme ou femme, homo ou hétéro, européenne ou africaine. Le soleil brille pour tout le monde. Et, heureusement pour l’écologie, le changement climatique réchauffe aussi les riches. —