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Recyclage politique
mardi, 16 novembre 2010 / Emmanuel Delannoy /

Directeur de l’institut Inspire (Initiative pour la Promotion d’une Industrie Réconciliée avec l’Ecologie et la société) et secrétaire général de la Ligue ROC

Et si au lieu de recycler de vieilles idées, à l’instar du remaniement du week-end dernier, on essayait pour une fois de faire émerger ces « utopies concrètes » dont nous avons tant besoin ?

« Je voudrais une idée neuve du jour, bien fraiche et pas trop cuite ! », Anton Ego*

S’il y a bien un domaine où le recyclage fonctionne, c’est en politique. Hélas, ce qui est bon pour le fer, le verre ou le plastique n’est alors plus qu’un triste palliatif au manque d’imagination, voire un dramatique révélateur du désarroi d’une partie de nos élites.

Passons sur le fait que le mouvement issu de la fusion des Verts et d’Europe Ecologie s’appelle… « Les Verts – Europe Ecologie ». L’ajout du trait d’union change tout. Souhaitons lui bonne chance. La séance de brainstorming pour trouver un nom est reportée à plus tard.

Le Parti Socialiste, lui, dévoile son nouveau slogan : « L’égalité vraie ». Pas mal. Pas radicalement innovant. On pourrait lui proposer « Liberté, égalité, fraternité ». Pas franchement nouveau non plus, mais c’est du robuste. Un slogan bâti pour durer. Et comme on s’est toujours arrêté en chemin, on ne peut pas dire que l’idée soit usée.

Et pour terminer en apothéose ce panorama du paysage politique français, le re(ma)niement du dernier week-end dernier explose tous les records d’imagination débridée : 8 mois d’attente pour un retour en arrière de 4 ans ! Exit le pacte écologique. Au-delà des hommes, on recycle avant tout les idées d’avant 2007. Celles d’avant le pacte écologique, celles d’avant le Grenelle, celles d’avant l’ouverture, celles d’avant la crise.

Remarquez qu’il ne s’agit en aucun cas d’une exception française. Outre-Atlantique, le « Tea Party » s’inspire explicitement d’un mouvement du XVIIIème siècle motivé principalement sur le désir de payer moins d’impôts… Voilà une bonne idée qu’on n’est pas prêt d’épuiser !

Mais puisque nous sommes, qu’on le veuille ou non, déjà entrés – trop tôt, bien trop tôt – en précampagne, la vraie question serait peut-être de se demander ce qui pourrait bien faire revenir aux urnes les abstentionnistes et ce qui pourrait bien inciter les potentiels « primo-votants » à s’inscrire sur les listes électorales. Et je ne suis pas sûr qu’on y arrive comme ça.

Pourtant, les sources d’inspiration ne devraient pas manquer : la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui notre civilisation et son économie mondialisée est inédite. Les équilibres se défont. La relative et cynique « stabilité » du monde est menacée. Un modèle de croissance « fainéant », basé sur la seule extraction de ressources exhaustives dans le sous-sol, touche à sa fin. Et ce ne sont pas non plus les idées neuves qui manquent : il faut parfois juste sortir un peu des sentiers battus pour les dénicher. La démocratie écologique, celle qui permettra de concilier bien être humain à court terme et enjeux de long terme, reste à inventer. L’économie de l’après pétrole, de l’après charbon, de l’après acier est à peine conceptualisée. Celle de l’après croissance se dessine tout juste, merci à Tim Jackson.

Alors peut-être faudrait-il, à l’instar des mouvements « Slow food » ou « Slow cities », inciter nos élites à faire un peu de « Slow politics ». Leur suggérer de sortir du rythme infernal des effets d’annonces et du terrain médiatique qu’il faut à tout prix occuper, pour prendre le temps de réfléchir, de concerter, et de faire émerger ces « utopies concrètes », celles qui n’ont jamais été essayées, dont nous aurions tant besoin.

* Oui, je sais, je devrais avoir honte de mes références : Anton Ego est un chronique gastronomique intransigeant, et son existence ne doit qu’à l’imagination des scénaristes du dessin animé… « Ratatouille ».