https://www.terraeco.net/spip.php?article13804
La banque française la plus sale ? Le Crédit agricole
lundi, 22 novembre 2010 / Denis Delbecq

Quand le cabinet conseil en développement durable Utopies classe les établissements les plus émetteurs de CO2, ça décoiffe. Et ça prouve que vos économies peuvent se transformer en bombe climatique.

C’est l’histoire d’un écureuil adepte de la décroissance. Son crédo, c’est son magot qui assurera l’avenir de ses enfants. Pas de 4x4 coûteux et polluant, une alimentation locale et bio, des fringues chinées, un sèche-linge au rancart et tout le toutim. Jusqu’ici, tout va bien. Mais si d’aventure, cet écureuil en a profité pour muscler son épargne, rien ne va plus. Car placé en banque, le bas de laine peut se transformer rapidement en gaz carbonique qui réchauffe le climat : un millier d’euros déposé sur son compte peut représenter jusqu’à une tonne de CO2 émise en un an ! Le cabinet conseil en développement durable Utopies révèle, pour la première fois, l’impact climatique des placements financiers (1). Et ça décoiffe.

Le classement signé Utopies :

Les calculs ont été effectués pour HSBC Holdings (groupe monde) et HSBC France (activités France, ex-CCF), cette dernière publiant un bilan financier distinct.

Quand nous confions nos noisettes sonnantes et trébuchantes à la banque, elles ne dorment pas, loin de là. Notre argent finance des crédits à la consommation (automobile, électroménager, etc.), des prêts immobiliers, des entreprises et même des Etats. Et suivant le bénéficiaire de la manne, l’impact en termes de gaz à effet de serre est bien différent. L’argent qui finance une turbine à gaz n’aura évidemment pas les mêmes conséquences que celui qui appuie une ferme éolienne ou la création d’un commerce de proximité. « Ainsi, NEF ne finance que des projets écologiques et/ou sociaux, explique Stanislas Dupré, directeur général d’Utopies. Des fermes d’agriculture biologique, du commerce équitable, des projets d’économie d’énergie, etc. » Le résultat est à la hauteur, puisque 1 000 euros placés dans les livrets de NEF ne représentent, chaque année, que 200 kg d’émissions de CO2. A l’opposé du classement ? Le Crédit agricole, dont les placements suscitent l’émission, en moyenne, d’une tonne de CO2 par an pour 1 000 euros investis.

Client, tu n’as pas ton mot à dire

« La position des banques correspond plus à leur histoire qu’à de vrais choix stratégiques, explique Stanislas Dupré. Ainsi, la Banque postale (481 kg de CO2 annuels pour 1 000 euros placés, ndlr) n’a pas le droit de financer des entreprises. A l’inverse, le Crédit agricole et ses filiales financent des entreprises du secteur énergétique, bien plus émissives que le secteur immobilier. Finalement, le seul choix stratégique est fait par NEF, et cela se voit. » Pour dresser le bilan des 9 banques, le cabinet Utopies a conduit une analyse de leurs actifs, secteur par secteur. « Si vous financez la moitié de l’achat d’une voiture avec un crédit, la moitié des émissions annuelles du véhicule sont à imputer au crédit, et donc à la banque qui l’a consenti. » Le pire, ce sont les placements en actions : « Les banques innovent peu. Leurs fonds sont investis dans les entreprises du CAC 40, dont les émissions sont élevées. »

Pourtant, les banques commercialisent aussi des produits « socialement responsables ». Des attrape-gogos ? « Ces produits ne représentent environ que 1 % des encours collectés par les banques. Mais dans la plupart des cas, ils reposent sur des modèles définis depuis longtemps, qui ne sont pas remis en cause, regrette Stanislas Dupré. Ainsi, en France, on trouvera souvent des actions Total, parce que traditionnellement, les banques misent 12 % dans le secteur pétrolier. Dans un fonds européen, le choix se fera entre Total, Shell ou BP, mais le particulier n’a pas la possibilité de refuser d’investir dans un secteur donné. » De fait, rares sont les placements bancaires pour lesquels le client a son mot à dire. Parce que les banques sont frileuses et perçoivent toujours l’économie « verte » comme un gadget. « Et pourtant, il y a matière à produire le même niveau de rentabilité et de risque dans ce secteur, assure Stanislas Dupré. Mais il est plus simple d’expliquer à un client qu’on investit dans le CAC 40, dont il entend parler à la télévision, que de lui démontrer qu’un secteur “ vert ” est aussi rentable pour un niveau de risque équivalent. »

Pendant ce temps, selon l’aveu même de l’Agence internationale de l’énergie, il manque chaque année plus de 1 000 milliards de dollars (715 milliards d’euros) d’investissements dans les énergies vertes ! « La réponse viendra d’une réforme de la fiscalité, analyse Stanislas Dupré, qui préconise dans son livre la création d’une taxe carbone sur l’épargne. Elle pourrait se faire de manière indolore pour les finances de l’Etat, à travers un système de bonus-malus. Il favoriserait les placements dans les secteurs les moins polluants et pénaliserait le financement des secteurs émissifs. » Reste à voir si l’idée sera retenue dans la réforme fiscale que projette le président de la République. —

(1) « Que font-ils de notre argent ? », Stanislas Dupré (NiL Editions, 2010).

Avec


Révélations radioactives

Une coalition d’ONG a compilé les investissements de plus de 100 banques dans le nucléaire, soit 867 transactions recensées pour 175 milliards d’euros entre 2000 et 2009. Et selon le site «  Nuclear banks ? No thanks !  », le grand gagnant de ces investissements atomiques est… BNP Paribas avec 13,5 milliards d’euros (en majorité investis dans EDF et Areva). Les deux autres vieilles dames françaises, la Société générale et le Crédit agricole, ne sont pas en reste avec de belles 4e et 5e places !

- Le site d’Utopies


AUTRES IMAGES

JPEG - 3.4 ko
150 x 25 pixels

JPEG - 83 ko
550 x 320 pixels