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Tom Cruise, porte-parole de Wall Street
jeudi, 14 octobre 2004 / Arnaud Gonzague

Le dernier film de Michael Mann, Collateral, est plus qu’un polar bien ficelé. On peut aussi y déceler deux visions du capitalisme post-Enron : l’un débridé, l’autre soucieux d’éthique.

Le film s’ouvre sur un homme en costume blanc, brushing impeccable, attaché-case sous le bras, débarquant par avion à Los Angeles. Vincent (Tom Cruise) est un businessman. Il s’engouffre dans un taxi. Et annonce au chauffeur qu’il vient "signer quelques contrats" pendant la nuit. Il lui propose de l’accompagner en échange d’un bon pourboire. Le taximan accepte. Mais réalise rapidement que le "business" du beau Vincent, c’est de flinguer sur commande des témoins gênants pour le compte d’un caïd. "Et alors ?", demande Vincent au chauffeur horrifié : ce n’est rien d’autre qu’un boulot, la seule chose qui compte, c’est de le faire bien. Et Tom Cruise, excelle.

A sa manière aussi, Max, le chauffeur (Jamie Foxx) est un travailleur modèle. Il connaît parfaitement son boulot, aime ses clients et n’hésite pas à perdre 5 dollars pour les véhiculer plus rapidement. Mieux, Max a un rêve : ouvrir une entreprise de location de limousines. Pour cela, il épargne patiemment, en rêvant du jour où il sera son propre patron.

Hédonisme de pacotille

Max incarne le self-made man mythique, l’artisan pointilleux et loyal qui a construit le capitalisme américain selon L’Ethique protestante de Max Weber. Le fulgurant Vincent est, lui, une représentation du capitalisme carnassier des années 80, glamour et indifférent au monde. C’est la vision schumpétérienne d’un système égoïste et destructeur. Le plus savoureux, ce sont les leçons que Vincent assène à Max sur la nécessité de vivre vite et fort, sans mesquinerie ! On frise l’hédonisme de pacotille brassé par Hollywood et l’univers publicitaire, indissociable du discours de ceux que l’on nomme les "ultralibéraux".

Autre élément clé du film : la police. Un flic découvre que Vincent a l’habitude d’utiliser les honnêtes travailleurs comme paravents pour couvrir ses méfaits. Cette horreur meurtrière drapée sous des apparences anodines fait songer à la belle respectabilité de tous les Enron et Vivendi du monde... Avant que leurs pratiques voyoutes soient découvertes. Michael Mann a l’intelligence de rendre les représentants de l’ordre aussi attachants qu’inopérants contre Vincent. L’agent Fanning se fait d’ailleurs dézinguer comme un lapin au milieu du film ! Reste le duel final entre Max et Vincent, le "petit patron" protégeant la jolie procureure (eh oui, la loi), le "top manager" cherchant à achever son contrat. Face à l’insuffisance des régulations économiques, que reste-t-il pour se protéger des carnassiers ? Un sursaut citoyen bien sûr !


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