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Emplois verts : où ? combien ? comment ?
mercredi, 10 novembre 2010 / Julien Vinzent /

Journaliste, collaborateur régulier pour Terra eco.

A force de dire qu’ils allaient éradiquer le chômage, les Français ont perdu la foi dans les « éco-jobs ». Alors où en est-on vraiment ? Tour d’horizon, des énergies renouvelables au moral en berne aux filières porteuses comme l’eau et les déchets.

Combien d’emplois verts aujourd’hui ?

A dire vrai, l’inventaire est en cours. Le dernier chiffre en date remonte à 2008. Le ministère du Développement durable comptabilisait alors 405 000 emplois verts en France (1). Depuis, l’Observatoire national des métiers de la croissance verte planche sur un nouveau périmètre, qui devrait comprendre environ 400 métiers. « Dans un premier temps, on ne comptait que les emplois dont la finalité directe est de préserver l’environnement, mais beaucoup de secteurs comme le bâtiment ou la chimie sont concernés », explique Jean-Paul Chevillard, directeur du développement durable de Pôle emploi, qui contribue aux travaux de recensement.

Le risque ? Définir un rayon d’action si large que le chiffre en perde de sa pertinence. Dans un ouvrage paru en septembre dernier, Croissance verte, zoom sur 50 métiers, le ministère présentait une palette hétéroclite allant des agriculteurs bio au monteurs d’éoliennes, en passant par les diagnostiqueurs immobilier ou les chimistes en agrocarburants, les techniciens qualité automobile ou les marins-pêcheurs. N’en jetez plus !

Combien d’emplois verts demain ?

600 000 nouveaux emplois verts d’ici 2020 : c’était la promesse du gouvernement l’an dernier, tirée d’une étude commandée au Boston Consulting Group. Ce chiffre en avait fait rêver – ou douter – plus d’un. Où en est-on ? Une petite précision d’abord, signée Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la croissance verte : il fallait comprendre « emplois créés ou maintenus ». La même Valérie Létard déclarait il y a peu que chiffrer le potentiel d’emplois correspondant à chaque métier vert était « techniquement impossible », tout en restant optimiste sur les prévisions. « Ces 600 000 seraient une estimation basse si l’on se réfère aux rapports des comités de filières et à celui de Syndex et Alpha (des cabinets d’étude, ndlr) qui estiment le potentiel de la croissance verte à 900 000 emplois ! », s’enthousiasmait-elle.

Le rapport d’évaluation du comité de suivi du Grenelle, remis le 2 novembre dernier, n’est pas beaucoup plus précis. On peut ainsi y lire que« dans le secteur du bâtiment, l’on considère que 20 000 à 100 000 emplois ont été créés ou maintenus chaque année grâce aux effets du Grenelle ». Du simple au quintuple, c’est ce qu’on appelle une fourchette généreuse.

Pour un autre point de vue – qui sait peut-être plus précis ? – jetons un œil du côté des sites d’emploi spécialisés. Premier constat : la crise est passée par là. « Alors que certains parlaient d’une croissance verte insensible à la crise, on a perdu au plus fort 40% de nos annonces », indique David Ascher, fondateur d’Emploi-Environnement. Alors pour l’avenir, autant « regarder dans une boule de cristal », ajoute-t-il, fataliste. La tendance à la baisse est confirmée par le dernier baromètre du cabinet Trendeo, qui note une chute des créations nettes d’emplois verts de près de 50% entre 2009 et 2010 (2)

Quels secteurs embauchent ?

Le secteur des énergies renouvelables, fort de 70 000 emplois (3) et habitué jusque-là à des taux de croissance à deux chiffres, n’a plus le vent en poupe. « Il a pris en pleine tête les problèmes d’investissements, les baisses de tarifs d’achats du solaire et les contraintes réglementaires supplémentaires sur l’éolien », analyse David Ascher. Du coté du bâtiment, directement concerné par les exigences énergétiques du Grenelle, Nicolas Sarkozy promettait, en 2007, 100 000 créations d’emplois. La Fédération française du bâtiment sèche sur les chiffres, mais reconnaît que « le secteur se restructure très, pour ne pas dire trop, lentement ».

De l’avis général, deux secteurs ne connaissent pas la crise : le traitement des eaux et celui des déchets. « En ce moment, ça représente 60% des offres d’emplois sur notre site », indique David Ascher. Valeur sûre, bénéficiant des réglementations plus strictes sur le traitement des eaux, ces domaines profitent aussi d’activités montantes comme la dépollution des friches industrielles. D’autres, comme la qualité de l’air ou la chimie verte, en restent au stade des activités de niche. « On a quelques beaux projets, mais cela tient plus de l’emblématique », complète David Cousquer, gérant de Trendeo. Quant aux postes qui doivent verdir les entreprises, tels que les responsables « Hygiène-Sécurité-Environnement » (HSE) et les métiers liés à l’écoconception des produits, ils ont subi de plein fouet la crise car dans la difficulté, « les entreprises se sont concentrées sur la consolidation de leur activité », souligne David Ascher.

Les étudiants qui veulent s’orienter dans une filière d’avenir seraient avisés de regarder de près ce rapport du Commissariat général au développement durable. D’après ce texte, la France pourrait à moyen terme faire valoir ses atouts dans sept filières porteuses, sur un total de 18 filières stratégiques identifiées. Véhicules décarbonés, énergies marines, agrocarburants de deuxième et troisième générations, éolien offshore, bâtiment à faible impact environnemental, captage, stockage et valorisation de CO2, recyclage et valorisation des déchets : c’est là que se situeraient les plus belles opportunités.

Quels types de postes ?

Concrètement, est-ce qu’il faut bac +5 ou une formation hyperpointue pour décrocher un job vert ? Pas nécessairement. « On recherche plutôt des techniciens, des ouvriers qualifiés. C’est une opportunité pour un certain nombre de personnes en reconversion ou éloignées de l’emploi », note Jean-Paul Chevillard de Pôle emploi. Les antennes régionales consacrent au minimum 5% de leur budget formation aux métiers verts « et certaines sont déjà plus proches de 10% », ajoute-t-il. En pointe notamment : Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Languedoc-Roussillon et Bretagne.

Beaucoup de ces jobs se trouvent dans le secteur du bâtiment (chauffagistes, installeurs photovoltaïque, poseurs d’isolation thermique…), des déchets (agents de déchetterie, ambassadeurs du tri, etc.) ou des énergies renouvelables (techniciens de maintenance). Mais la formation initiale « est quasiment inexistante dans les énergies renouvelables », selon David Ascher, qui ne compte plus « les gens venus de secteurs comme l’automobile à qui l’on confie la maintenance de parcs éoliens après quelques jours de formation spécifique » ! Preuve que les métiers verts sont l’avenir, même pour les vieux secteurs !

- A lire aussi sur Terra eco : Rudologue, éco-designeur ou garde-rivières, 12 métiers verts à découvrir

(1) D’après le Service de l’observation et des statistiques du ministère du développement durable.

(2) Respectivement 3 508 et 6 266 emplois nets créés de janvier à octobre.

(3) Selon le Syndicat des énergies renouvelables.