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Faut-il limiter les naissances ?
mercredi, 27 octobre 2010 / Tristan Lecomte (Alter Eco) /

Né en 1973 à Reims (Marne), Tristan est diplômé de HEC. Il a fondé Alter Eco en 1998. En 2008 il lance Pur Projet. Tristan vit en Thaïlande près de Chiang Mai depuis 2010 et chronique pour Terra eco depuis 2009.

Avant qu’elle ne devienne une nécessité, cette question quasi taboue doit être remise au centre du débat. Pourquoi ? Parce que la Terre ne supporte plus nos modes de consommation actuels.

La question de la natalité, puisqu’elle a trait à l’essence de la vie sur Terre, ne peut être abordée à travers le seul prisme de l’écologie. Elle doit nécessairement prendre en compte les considérations culturelles et spirituelles de chacun. Plaçons-nous donc sur le plan d’un questionnement ou d’une réflexion individuelle – je viens tout juste d’être papa – que chacun pourra enrichir, ajuster ou modifier suivant ses croyances et aspirations personnelles.

Le modèle de développement actuel est insoutenable pour la planète et les initiatives prises en la matière sont dérisoires pour changer la donne rapidement alors que l’urgence est là. Notre empreinte écologique dépasse largement ce que la Terre peut supporter. Il faut donc réduire l’empreinte de chacun. Mais puisque ces initiatives sont trop limitées, ne faut-il pas aussi encourager la limitation des naissances ? C’est un sujet qui paraît tabou. On comprend aisément pourquoi, mais peut-on raisonnablement l’éluder ? Nous serons 9 milliards en 2050 et l’empreinte écologique de ces 9 milliards d’individus ne sera pas supportable pour la Terre si nous conservons nos modes actuels de consommation. Il faut donc réduire notre consommation, notre natalité ou une combinaison des deux.

Ce débat a aussi pour mérite de montrer que nous sommes tous très inégaux face aux enjeux. Là où l’empreinte carbone d’un Américain du Nord est de 20 tonnes de CO2 par an, celle d’un Ethiopien dépasse à peine les 100 kilos, 200 fois moins… L’Américain devrait ainsi soit réduire très fortement sa consommation soit réduire très fortement sa natalité, ou du moins la compenser a minima. Les Etats s’engageraient ainsi sur l’atteinte d’objectifs de réduction de leurs émissions au global mais aussi par habitant, ou sur la natalité, et impliqueraient ainsi mieux leurs concitoyens à agir pour réduire leurs émissions. Ceci pourrait responsabiliser chacun sur ses émissions au lieu de tout attendre des Etats à Kyoto, Copenhague ou Cancún. Attention, il ne s’agit pas d’instaurer des politiques coercitives à la Chinoise, avec le modèle de l’enfant unique. Non, il s’agit plutôt de sensibiliser chacun au poids écologique qu’il fait porter à la planète et à sa responsabilité en tant que parent sur le nombre d’enfants qu’il a – ou souhaite avoir – et sur les modèles de consommation dans lesquels il les engage.

Utopique ? Non éthique ? Le débat mérite d’être lancé car ce qui est aujourd’hui un choix pourrait demain devenir une nécessité. Le développement durable implique la notion de solidarité transgénérationnelle. Peut-on continuer à procréer aujourd’hui sans limite, si le monde que nous créons pour nos enfants est déjà si surpeuplé qu’ils n’auront d’autre choix que de s’abstenir d’avoir des enfants ? Sachant que nos enfants n’auront pas les moyens de réduire significativement leur empreinte à court terme, est-il raisonnable de procréer sans se préoccuper de savoir si ces enfants aussi devront vivre à crédit, comme nous, sur les générations futures ?

- A lire aussi : le dossier de Terra eco, « Faut-il arrêter de faire des enfants ? »->5435]