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En friture, Simone !
vendredi, 22 octobre 2010 / Thibaut Schepman /

Non, nous n’avons pas à « sauver la planète ». Elle s’en sort très bien toute seule. C’est nous qui avons besoin d’elle pour nous en sortir.

Oubliée, l’huile usagée au fond de l’évier ! Depuis trois ans, l’association « Roule ma frite 17 » la récupère et la transforme en carburant. Une idée à pomper quand le prix de l’essence s’envole.

L’île d’Oléron, ses plages ensoleillées, ses fruits de mer… Et ses milliers de litres d’huile de cuisson usagée. Car pour nourrir les hordes de touristes chaque été, le restaurateur oléronais frit, fait revenir et assaisonne à gogo. Problème : seules de très faibles quantités sont ensuite rapportées en déchetterie. Le reste file donc à la poubelle ou, pire, dans l’évier, au risque de boucher les canalisations et de rejoindre le circuit des eaux usées. Depuis 2007, avec ses trois acolytes de l’association « Roule ma frite 17 », Grégory Gendre (1) a donc décidé de faire de ces déchets un carburant et propose aux restaurants, snacks et bars de récupérer leurs huiles. « En contrepartie, ils versent une cotisation de 50 euros par an et, surtout, s’engagent à restituer une huile usagée qui n’a pas cuit trop longtemps et à la reverser dans des bidons propres et étanches », détaille Romain Gaudier, chargée de la collecte.

Il faut encore un peu d’huile de coude pour filtrer et débarrasser le liquide de ses particules lourdes, et le voilà prêt pour alimenter les moteurs (2). Aujourd’hui, « Roule ma frite 17 » collecte environ 20 000 litres d’huile par an et produit 10 000 litres de carburant, vendus 50 centimes d’euros le litre. L’été dernier sur l’île, c’est le petit train touristique de Saint-Trojan qui a roulé à l’huile de friture. Un exploit car la pratique est illégale ! « L’huile ne fait pas partie des carburants autorisés en France, explique Grégory Gendre. Mais le droit européen le permet, donc personne ne sera sanctionné s’il roule à l’huile. » Pour son expérimentation, l’association a surtout obtenu l’autorisation du ministère de l’Ecologie qui utilisera les résultats des analyses réalisées sur les huiles et les gaz d’échappement. « Cela permettra de reproduire l’expérience ailleurs », espère Grégory Gendre. Mais « notre but n’est pas de faire rouler les voitures, précise-t-il, mais de répondre à un besoin local : la revalorisation d’un déchet qui, en bouchant les canalisations, coûte 20 000 euros par an à la régie des eaux. Et de créer un cercle vertueux ». Dépendants d’un autre cadre juridique que les voitures, les chariots élévateurs, tracteurs et machines-outils de l’île pourraient être nourris à l’huile.

Patates du coin

Pour obtenir un liquide de meilleure qualité, l’association plaide aujourd’hui auprès des restaurateurs pour qu’ils renoncent à l’huile de palme, non valorisable. Et pour qu’ils préfèrent les pommes de terre fraîches aux frites surgelées qui dégradent la qualité de l’huile. Selon Romain Gaudier, « ce ne serait pas plus cher : il suffit juste de changer les habitudes et de faire des achats groupés de produits locaux ». Aujourd’hui, quatre restaurants de l’île seulement épluchent des patates du coin. A terme, l’association voudrait proposer son huile aux agriculteurs d’Oléron pour alimenter les tracteurs et désherbeurs à vapeur. Ainsi, « la boucle serait bouclée », estime Grégory Gendre. En attendant, l’association développe un bus à huile qui dessert les plages de l’île et entretient des contacts partout en France avec d’éventuels « repreneurs » du concept « Roule ma frite »… qui gagnerait à faire tache d’huile ! —

(1) Par ailleurs actionnaire historique de Terra eco.

(2) Le cocktail idéal est composé de 70 % de diesel et de 30 % d’huile… si votre véhicule est compatible.